Internet ne transmet pas que des sottises et des fake news ! J’ai reçu cette semaine ce petit texte qui m’a vraiment plu :
Un père disait à ses enfants : "Lorsque vous atteindrez l'âge de 12 ans, je vous révélerai le secret de la vie." Le jour où l'aîné de la famille atteignit cet âge, il demanda avec une certaine anxiété à son père de lui dévoiler ce secret tant attendu. Le père lui dit alors. Mon fils, voilà le secret de la vie : la vache ne donne pas de lait.
Interloqué par cette réponse, l'enfant voulut comprendre. "Tu as bien compris, mon fils : la vache ne donne pas de lait d'elle-même ; il faut la traire. Pour ce faire, il est nécessaire de se lever à 4 heures du matin, d'aller au champ, de traverser le fumier de l'enclos, d'attacher la queue de l'animal, d'esquiver les coups de pattes, de s'asseoir sur un tabouret, de placer un seau sous les pis et de réaliser soi-même tout le travail…
C'est cela, le véritable secret de la vie. Si tu ne trais pas la vache, tu n'obtiendras pas de lait.
Il n’y a pas beaucoup de commentaires à ajouter. Cette petite fable exprime parfaitement ce que la doctrine de l’Eglise appelle « le principe de subsidiarité ». Le père respecte la dignité de son fils en refusant de traire la vache à sa place. Car c’est une atteinte à la dignité d’une personne ou d’un peuple que de faire à sa place ce qu’il pourrait faire par lui-même.
Les Chinois, alors qu’ils étaient en grande pauvreté préféraient mourir de faim plutôt que de vivre de charité. Ils disaient : « Ne me donnez pas du poisson, apprenez-moi à pêcher ». Ils sont aujourd’hui la première puissance économique du monde !
On peut distinguer deux types de pauvreté :
• La pauvreté de ceux qui savent que « les vaches ne donnent pas de lait » ! La vie, les autres, les circonstances les ont dépouillés, mais ils ont assez d’espérance et de détermination pour se battre, pour prospérer et pour tirer profit de ce qui est à leur portée.
• Et la pauvreté de ceux qui croient que « les vaches donnent du lait » ; ceux qui, anesthésiés, découragés, blessés, ne savent plus que tendre la main, persuadés que les pouvoirs, les riches ou les autres sont la cause de leur pauvreté et détiennent la solution. Ceux-là n’auront pas assez d’espoir pour s’en sortir, ni pour saisir les opportunités qui se présentent. Leur pauvreté est une chaine intérieure.
Mes “Zanmi”, il me semble que la Martinique du XXIème siècle est en train de sombrer dans la seconde pauvreté. Les richesses naturelles et humaines ne manquent pas chez nous. Des immigrés de la Caraïbe ou de l’Europe viennent chez nous, parfois bien pauvres et démunis. Pourtant, animés d’espérance, ils réussissent à produire des richesses. Ils trouvent du travail et finissent parfois par créer eux mêmes des emplois. Inversement, beaucoup de nos compatriotes qui quittent le pays savent se battre et s’en sortent remarquablement. Mais ici, chez nous, il semble que la plupart ont perdu l’espoir, comme si une étrange malédiction nous empêche de « traire nos vaches ». Même, lorsque l’un d’entre nous entreprend dans son pays, nous ne sommes pas tendres avec lui. On lui en veut. C’est un problème spirituel. Un bon médecin fait d’abord un bon diagnostic.
Pour ma part, je ne pense pas que la solution aux problèmes du pays vienne d’ailleurs. La solution vient de nous. C’est une question de guérison, d’espérance, de solidarité, de respect de nous-mêmes et de notre maison commune, d’efforts, de travail, de solidarité, d’ambition et de foi. L’amiral Robert avait interdit le roman « diab’la » de Joseph Zobel. Il avait bien raison. Car si nous avions suivi l’exemple de ce héros qui se battait pour sa terre sans attendre des autres, nous serions tellement plus dignes, plus libres et plus heureux. « Sa ki sav sav, sa ki pa sav pa sav », chantait Eugène Mona.
+ Fr David Macaire, Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France ■
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