L’annonce a fait pousser des cris de joie dans les cases et les chaumières. Dans le monde entier, une fumée blanche, romaine et soudaine, nous a branchés sur les écrans de télévision, comme lors d’une finale de coupe du monde ou des résultats d’une élection politique. Toutefois, même si les médias avaient tenté de donner un accent partisan à l’affaire en opposant progressistes et conservateurs (LOL !) … il n’y eut ni perdants ni gagnants : tous ont été joyeux ! Des cloches sonnaient dans beaucoup de coeurs…
Avec impatience, la planète a attendu, sur un balcon lointain, un inconnu vêtu de rouge, qui s’est écrié (en latin !) dans un rituel séculaire : « Je vous annonce une grande joie : nous avons un papa ! » Les cris ont fusé, les vivats, les embrassades, avant même de savoir qui était l’élu, sa personnalité, son origine, son parcours, sa couleur de peau, ses opinions… Dieu nous accordait un pasteur ici-bas.
Le soir même, au journal télévisé, on diffusa un micro-trottoir sur l’événement : trois ou quatre quidams interrogés au hasard d’une rue foyalaise déserte affichaient un avis désabusé : « On n’attend rien », « Il ne changera rien pour nous ». Je ne fus pas contrarié, mais triste. C’était le symptôme d’un mal-être profond : ces gens n’avaient plus aucune espérance. Ils étaient trop déçus par ces leaders politiques néolibéraux paternalistes, munis de leur ambition et d’un carnet de chèques, qui prétendent pouvoir régler tous les problèmes par magie.
Qui fera voir le bonheur à cette génération troublée ? À ces garçons qui sombrent dans la violence, à ces filles prêtes à faire de leur corps un objet de domination ou de soumission ? À ces femmes rongées par la colère et les regrets, à ces hommes au coeur vide et assoiffé, toujours en fuite ? À ces artistes déstructurés, à ces familles fragilisées, brisées par les drames ? À ces peuples qui, en ressassant sans fin leur souffrance, passent à côté de la beauté de leur mission auprès de l’humanité ? Jamais les analystes les plus brillants, les thérapeutes les plus doués, ni les travailleurs sociaux les plus talentueux, pas plus que les millions de subventions, les formations, les programmes, les équipements, les services, les opportunités, ni même les années de catéchisme, n’ont réussi à guérir cette blessure profonde.
Cette génération « a tué le Père » et elle en paie les conséquences : qui pour lui donner une identité ou une reconnaissance ? Qui pour la cadrer un minimum ? Il lui faut un papa. Même un papa plein de défauts, de hauts et de bas, mais, enfin, un don gratuit, quelqu’un qui fait de son mieux avec ce qu’il est. (C’est aussi le cas de nos mamans, de nos éducateurs, parrains et marraines, etc.)
Voilà pourquoi l’Église annonce la joie d’avoir un Pape ! Un papa, un éveilleur spirituel qui rend meilleur, plus unis, plus adultes et en mesure de prendre en main son destin. Un homme, OUI, rien qu’un homme, ni un demi-dieu, ni une divinité réincarnée ou un ange (personne n’a jamais dit le contraire, sauf ceux qui ne connaissent ni l’Église, ni la vie de Pierre, le premier pape, et n’ont pas saisi que notre seul vrai Père est aux cieux), mais un papa. Quelqu’un qui a des faiblesses, des défauts, pour qui ce n’est pas toujours facile de conserver l’équilibre, qui n’est pas exempt des combats intimes et qui doit quotidiennement maîtriser ses passions, ses égoïsmes et ses envies. Il serait d’ailleurs puéril d’attendre un homme providentiel ! Un pape que nous croirions en mesure de tout régler serait bien vite une idole décevante (comme les leaders de ce monde) ! C’est en cela précisément que l’« habemus papam » est une vraie joie : en nous donnant la paternité de ce guide humain, c’est Dieu lui-même qui exerce sa paternité.
Ainsi donc, depuis des siècles, pape après pape, l’« Habemus Papam » proclame aux hommes la réponse de l’Église à cette question existentielle si bien chantée par Stromae : « Où t’es, papaoutai ? »
+ Fr David Macaire, Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France ■
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