On a toujours fait ainsi

La Parole de Dieu est éternelle. La Révélation et la Tradition qui fondent l’enseignement de l’Église sont immuables. Et, pardessus tout, le Christ est toujours le même, hier, aujourd’hui et demain ! Cependant, l’annonce de la Bonne Nouvelle et la mission des chrétiens dans un monde sans cesse en mouvement ne sont pas viables dans l’inertie ! Une Église qui ne s’interroge pas sur la pertinence de ses méthodes est vouée à l’extinction. Une méthode pastorale, même si elle a porté des fruits jadis, peut s’avérer soudain stérile si elle est inadaptée au monde.

Le défunt Pape François honnissait l’immobilisme des chrétiens. Lorsque les méthodes et les personnes ne changent pas, l’Église commence à sentir le ranci, les fils d’araignée apparaissent et la poussière s’accumule. C’est le signe d’un effondrement déjà commencé dans la communauté. Voilà ce que disait l’ancien Pape : « Les chrétiens qui s’obstinent, bloqués au “on a toujours fait comme ça”, ont un coeur fermé aux surprises de l’Esprit Saint et n’arriveront jamais à la plénitude de la vérité, parce qu’ils sont idolâtres et rebelles. Ils commettent un péché grave. Le “on a toujours fait comme ça” est le signe qu’ils refusent de discerner quelle est la volonté de Dieu » (1).

Ces paroles sont dures. En ce temps de Pentecôte, je redoute que les pasteurs, les leaders et les serviteurs de l’Église en Martinique ne tombent sous le coup de cette sentence. Soixante ans après l’aggiornamento (le toilettage) du concile Vatican II, n’y a-t-il rien de sclérosé dans nos façons de faire ? Allez ! Soyons honnêtes ! Avonsnous le courage de nous demander si telle ou telle coutume de notre communauté est bien adéquate et porte des fruits ?

Que penser d’un catéchisme dont 90 % des jeunes bénéficiaires sont, au bout de huit ans, ignorants de l’enseignement de la foi et des saintes Écritures, et n’ont fait l’expérience ni de la vie fraternelle au sein de la communauté, ni de celle de l’Esprit-Saint !? Que penser de ces préparations au baptême dont les bénéficiaires (parents et parrains-marraines) en ressortent sans avoir mieux compris l’Église ? Pourquoi de nombreux jeunes serviteurs ne mènent-ils plus une vie qui leur permet de recevoir le corps du Christ ? Que dire de l’ignorance de tant de fidèles, parfois très pieux, singulièrement incultes quant aux choses de la foi ? Ou encore des annonces de la semaine, des méthodes, des horaires de confession ou de messe, des bancs, des moyens de communication, des locaux, des horaires et même de certaines personnes qui n’ont pas changé depuis des années… sans qu’on ne s’interroge pour savoir s’ils portent des fruits nouveaux, sont adéquats à l’évangélisation ou si ce sont « toujours les mêmes » (choses ou personnes), toujours et partout.

On ne peut pas reprocher au Pape François sa clairvoyance pastorale. Le chemin de conversion missionnaire de l’Église qu’il a proposé est plus que jamais d’actualité : « Cela exige d’abandonner le confortable critère pastoral du “on a toujours fait ainsi”. J’invite chacun à être audacieux et créatif. » « J’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale deviennent un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation. » (Evangelii Gaudium 33 & 27.)

Mais la solution n’est ni tactique ni stratégique ; elle ne se trouve pas dans les manuels de théologie pastorale. La solution consiste en une conversion radicale du plus grand nombre de serviteurs disciples. Un abandon spirituel à la volonté divine pour faire l’oeuvre DE Dieu, toujours nouvelle, surprenante et dérangeante, et non pas des oeuvres POUR Dieu, qui ne sont rien d’autre qu’une agitation stérile.

Vite ! Invoquons l’Esprit-Saint et laissons-nous guider. Il fera toute chose nouvelle.

+ Fr David Macaire, Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France ■