"Lévé faché" : une épidémie ?


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samedi 18 janvier 2020
Diocèse de Martinique

La colère envahit la Martinique ! Chacun, un peu partout, y va de sa petite ou de sa grande colère. Dès qu’une circonstance procure une émotion négative, un désagrément, un désaccord, « sé moun la ka lévé faché » : diatribes outrancières, violences publiques ou privées, injures, brutalités… Dans la rue, au travail ou en famille, on justifie la colère comme une des voies habituelles de la justice !

Cependant, la colère reste toujours la colère. Même « sainte », « pour la bonne cause », justifiée, compréhensible, basée sur des faits réels, la colère est toujours une dangereuse et mauvaise conseillère. Elle ne règle des problèmes que si le cœur qu’elle habite reste capable de la maîtriser et de reconnaître le bien, que si elle ne dure qu’un temps et s’achève avant la nuit (Ep 4,26), que si elle reste subordonnée à la paix et au respect de l’autre. Est-ce encore servir une juste cause (y compris celle de Dieu) que de s’irriter, de monter sur ses grands chevaux, de s’estimer le droit d’agresser, de crier, de juger ou de jeter des soupçons, de dénigrer avec des prétextes toujours irrationnels et subjectifs !? C’est dans cette faiblesse, idiote et vindicative, qu’est la source de tout terrorisme.

Dans les foules, les médias ou les réseaux sociaux, même les colères des « chrétiens » deviennent d’autant plus démoniaques et lâches, qu’elles n’engagent pas celui qui les exprime et ne visent qu’à blesser (ou tuer) celui ou ceux contre qui elles s’exercent ! Se mettre en colère vient d’un esprit mauvais qui met « hors de soi » celui qui s’y livre et rapproche les oreilles de son âme de la gueule haineuse du diable… Le pauvre Roi Saül, infesté de colère, y a perdu sa couronne et son salut éternel ! Parmi les chemins qui mènent en enfer, la colère est l’un des plus sûrs ! J’ai parfois l’impression que notre pays y fonce tête baissée, « bwa pou nou alé » !

Les communautés chrétiennes ne sont pas épargnées : il m’arrive de recevoir des lettres de paroissiens en colère. Il s’agit toujours, en apparence, des affaires du Seigneur (après tout, n’est-ce pas épris d’un « zèle jaloux pour la maison de son Dieu » que Jésus, s’emparant d’un fouet, chassa les marchands du Temple !?). Mais la violence peut-elle s’enraciner dans l’amour ? La colère des paroissiens est un signe à ne pas négliger, mais quelle en est la motivation : le vrai « zèle pour la maison du Seigneur » ? ou le service complice des intérêts particuliers d’un petit groupe qui craint d’être dérangé de ses attitudes sclérosées par des personnes ou des idées nouvelles ?

Voilà donc un guide de la sainte colère pour les chrétiens qui ne veulent pas brûler en ce monde… et dans l’autre :

1. Chercher à comprendre, en vérité, pourquoi je suis en colère : est-ce objectif (atteinte à la justice, à la sainteté de l’Eglise) ? ou subjectif (un intérêt particulier, une idole, une jalousie ou une blessure personnelle) ?...

2. Se mettre à la place de l’autre et opter résolument pour la bienveillance : arrêter d’interpréter systématiquement et négativement et de porter des jugements téméraires sur lesquels nous serons jugés.

3. Maîtriser ses passions et s’exprimer peu (attention aux médias), fermement s’il le faut, mais correctement, sans vulgarité, sans agressivité, ni gestes violents et inconvenants. Apprendre à supporter patiemment et ne pas réagir trop vite sur des coups de sang en piquant sa « crise » à tout bout de champ.

4. Accepter soi-même d’être remis en cause, laisser tomber ses propres idoles et lâcher prise quant aux responsabilités ou aux certitudes que l’on croit détenir.

5. Prier beaucoup, surtout pour ses ennemis, et, pour ne pas se laisser aller, revenir à la paix au plus vite !

Amis paroissiens, la paix du Christ se désire et se gagne !

+ Fr. David Macaire

Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France

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