Lettre à un frère Pauvre : Tu es un trésor


Informations

samedi 17 novembre 2018
Diocèse de Martinique

Mon très cher frère,
Le monde déteste la Pauvreté… toi aussi, certainement. Tu n’as pas choisi d’avoir moins que les autres, d’avoir si peu pour vivre, de n’avoir rien. Si tu pouvais et si je pouvais, tu ne serais pas pauvre. Tu détestes peut-être ta pauvreté et il faut bien reconnaître que tu n’es pas le seul. Tout le monde la fuit comme la honte la plus laide.

Avant, lorsqu’il y avait encore un peu de gratuité, le pauvre pouvait encore vivre, moins bien que d’autres, certes, mais avec eux ! Il avait une raison d’être, une place dans la société. Être pauvre ! Ça a toujours été difficile. Mais aujourd’hui c’est pire : le pauvre est non seulement pauvre, mais il est exclu, excommunié de la société, de l’école, de la fête, du bonheur, de la vie tout court.

Tout s’achète et tout se vend… La nourriture se paye. Le gîte s’acquiert à prix d’argent. Se vêtir n’est pas bon marché. La santé coûte cher. La sécurité et la liberté s’achètent. Les transports sont hors de prix. Il faut mettre la main à la poche pour avoir la beauté ou la force. Le plaisir vient de l’argent. Se reposer, dormir, se détendre n’est pas gratuit. La sexualité se donne au plus offrant. La réputation se finance. On assure, même sa vie, avec des euros. On compte ses amis en proportion de son compte en banque. Le confort se monnaye. Des bébés sont l’objet de trafic. Les grossesses se louent. La mort elle-même relève du commerce. Sans parler de ceux qui veulent acheter des esprits ou corrompre des pasteurs en glissant une enveloppe… L’argent offre tous les petits plaisirs qui composent le soi-disant bonheur absolu. Et pourtant, un empire de frustration, de peur, de violence, de solitude, d’addiction, de déprime et de suicide s’étend à mesure de l’augmentation du niveau de vie. Et rien ne l’arrête.

La vérité, c’est que l’on confond misère et pauvreté. La misère est un mal. Elle ne vient pas de Dieu. Elle vient du péché. La misère est intolérable. Elle prive du nécessaire vital : la nourriture, le logement, le vêtement, les soins pour le corps, mais aussi l’amour (et donc la liberté et la justice), la reconnaissance, l’éducation, la culture ou le divertissement pour l’âme… Une société qui laisse ses enfants dans la misère et ne leur procure point tout cela est viciée, inhumaine et court à sa perte.

Mais être pauvre, au sens de l’Évangile, ce n’est pas manquer du nécessaire, c’est mépriser la richesse, l’opulence, le gaspillage et l’abondance qui rendent égoïste. Être riche, c’est avoir l’illusion de pouvoir vivre sans les autres et sans Dieu, c’est croire que l’on peut se mettre en sécurité par soi-même, se croire le maître du monde. Tout cela est tellement faux. « Vanité des vanités, disait l’Ecclésiaste ; tout n’est que vanité ! »

Mon frère pauvre, toi et moi devons lutter pour qu’il n’y ait plus de misère. Par contre, nous devrons travailler à ce que cesse la colonisation idéologique des sociétés de consommation. Trop de nos jeunes soupirent après un mode de vie qui est pire qu’un mythe et qui ne sert qu’à les maintenir dans l’oppression et la misère en les faisant rêver à de fausses solutions : maudite richesse !

Toi qui es pauvre, viens au secours de la Martinique embourgeoisée ! Les aléas naturels ou historiques nous avaient appris à mettre notre confiance dans la Providence et la solidarité avant tout. Elle était tellement plus heureuse lorsque la pauvreté épiçait de complicité sa vie sociale. Montre-nous la voie de la solidarité, de l’humilité, d’une vie proche de la nature, du « bonjour », du « saw-fè-vwazinn !? » et surtout d’une vie de foi. Comme Marie, la pauvre fille de Sion, et comme Jésus, qui n’avait pas un endroit où reposer la tête, témoigne de la foi des pauvres qui crient et que Dieu entend (Ps 33).

Mon cher frère pauvre, tu n’es pas riche, mais tu es un trésor !

+ Fr David Macaire

Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France

Dans la même catégorie

  • Diocèse de Martinique

    Faites confiance à vos prêtres !

    …Comme Jésus leur a fait confiance.*

    lundi 22 avril 2024
    Mots de l'évêque

  • Diocèse de Martinique

    Devenez prêtres !

    D’après saint Jean-Bosco (1815-1888), grand éducateur de jeunes, un garçon chrétien sur trois serait appelé par Dieu à devenir prêtre. Nous sommes [...]

    lundi 8 avril 2024
    Mots de l'évêque

  • Diocèse de Martinique

    Souriez ! Redonnez le sourire ! C’est Pâques !

    Ainsi, tout en « partageant les angoisses de ce temps (…) n’abandonnons pas pour autant une très ferme espérance » (GS N°82). Il devient donc urgent, [...]

    vendredi 22 mars 2024
    Mots de l'évêque