Mais il a ses amis ! De la nécessité de communautés fraternelles


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samedi 24 mars 2018
Diocèse de Martinique

Dernièrement, en recevant des confirmands, j’interpellais les jeunes sur la réalité de l’amour fraternel qui unit les croyants. J’interroge alors une jeune fille à propos de Jérôme1, un garçon du groupe, choisi au hasard, assis un peu plus loin : « Matilde ! Si Jérôme a un problème au collège, est-ce que tu penses que tu dois te porter à son secours !? » Elle me répond spontanément … : « Mais il a ses amis ! » Je vous dispense de l’accent qui voulait dire : « boug la ni kanmarad-li, sa pa ka gadé mwen… tchip ! » (c’est moi qui rajoute le « tchip ! »).

Dans la réponse de cette jeune fille, une triste réalité déchire mon cœur de pasteur, une vraie claque pour notre communauté : ainsi, après sept ans d’instruction chrétienne dans le même groupe et à la veille de leur confirmation, ni Matilde, ni Jérôme, ni les autres (beaucoup d’autres) n’ont fait l’expérience d’une fraternité solidaire dans le Christ. Quelques minutes avant, comme d’habitude, les jeunes n’avaient pas su où se trouvait le livre de la Genèse. Ce n’était certes pas glorieux, mais je venais de leur dire « qu’on n’était pas à l’école » ; je ne pouvais donc leur reprocher de ne pas répondre à une question de cours. L’essentiel, me disais-je, c’est qu’ils soient vraiment frères et sœurs en Jésus… Et voilà que Matilde, avec son « mais il a ses amis ! », me clouait le bec… un bec épiscopal et même archiépiscopal !

Mais si Matilde m’a cloué le bec, elle m’a aussi ouvert les yeux. J’ai vu, d’un coup d’un seul, l’ampleur du cancer qui menace notre communauté. Pour Matilde, Jérôme était un élève de sa classe qui était au caté avec elle et non pas un frère dans le Christ, scolarisé dans son collège. Ce n’était pas son ami. Elle n’avait pas saisi qu’il était son prochain et aucun de ceux qui les entouraient n’aurait pu dire : « voyez comme ils s’aiment ». Eux-mêmes, en grandissant, se rendraient compte que plusieurs années dans l’Eglise ne les auront pas fait faire l’expérience concrète de la charité fraternelle. Pourtant, la charité existe dans notre Eglise et elle est puissante, mais elle n’est pas toujours sensible à l’échelon personnel.

Jésus dit que « c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous vous reconnaîtront pour mes disciples » (Jn 13,35). Cette phrase sonne comme une condamnation pour beaucoup ! Car nombreux sont ceux qui pensent comme Matilde et font passer les relations du monde avant la relation née dans l’Esprit-Saint : est-ce ma voisine qui va à la messe ou bien ma sœur en Christ qui habite près de chez moi ? est-ce le chauffeur de taxi qui fait les lectures le dimanche ou est-ce mon frère ministre de la Parole qui est taximan ? est-ce que je connais seulement le prénom de ces gens !? et est-ce qu’ils connaissent le mien ? est-ce que je me sens solidaire et responsable de cette sœur, de ce frère, si demain il est hospitalisé ou a besoin de soutien ? est-ce mon prochain ?

Mes frères, cette question est grave et essentielle. La fraternité est le premier besoin de l’homme moderne, surtout en Martinique. Le diable sait qu’aucun de nous, s’il ne se sent, avant tout, aimé concrètement dans une communauté fraternelle, ne se convertira et ne restera fidèle à l’Évangile. Jésus lui-même nous rappelle que même le royaume de Satan connaît une certaine solidarité. Le monde et ses nouvelles technologies créent l’illusion de communautés virtuelles de toutes sortes qui isolent et fragilisent les fidèles, livrés ainsi à la merci de sectes et de mouvements aux doctrines frelatées… privés de la Joie du Salut.

En même temps, nos grandes assemblées dominicales et notre éducation chrétienne ne permettent pas toujours à chacun d’expérimenter l’amour fraternel voulu par le Christ. C’est une question de nombre. La vie chrétienne en Petites Communautés est donc capitale !

Alors, Matilde dira de Jérôme : « Mais c’est mon frère ! »

+ Fr. David Macaire

Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France

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1 - Les prénoms ont été changés

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