Un tournant à ne pas rater


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samedi 9 septembre 2017
Diocèse de Martinique

Aujourd’hui comme hier, l’avenir appartient aux prophètes, aux fous, aux « violents », comme dit Jésus. Et quand les « violents de l’amour » se taisent, ce sont les « violents de la haine » qui prennent le dessus. Dieu merci, une génération de jeunes laïcs et de prêtres est en train de relever le défi et ne se laisse pas endormir sous l’édredon d’une intégration sociale de l’Eglise trop polie pour être honnête.

Le pape Benoît XVI nous a encouragés à être une minorité créatrice, mais nous avons encore du mal à nous débarrasser du complexe de supériorité de la religion majoritaire… Derrière ce vocable dont nous affublent régulièrement les journalistes et les politologues et que nous avons fini par intégrer, se cachent des boulets qui nuisent terriblement à la ferveur missionnaire de l’Eglise :

  • Dans notre fonctionnement : il y a ce petit orgueil d’être premiers, les aînés condescendants qui laissent une part de gâteau aux autres religions, leur font la leçon et se montrent bons élèves devant l’instituteur républicain, la tentation de devenir le musée des gloires passées, l’incapacité sénile à se réformer rapidement et à s’adapter à la culture actuelle.
  • Dans notre rapport au monde : nous subissons le poids institutionnel, la réputation inconsciente d’appartenir au « système », les mondanités, voire les compromis diplomatiques avec des puissances diverses, le devoir d’hurler avec les loups de la bien-pensance en toute occasion et de jeter aux orties la folie révolutionnaire de l’Évangile… et surtout, l’obligation de ne pas faire de vagues.

En Martinique, le problème est encore plus évident. Ici, les catholiques sont vraiment majoritaires. Mais malgré cela, la société martiniquaise n’est pas (n’est plus ?) du tout catholique. Même si « Mgr Macaire » est invité sur les médias, même si France-Antilles parle régulièrement de ce qui se passe dans nos églises et même s’il y a des gens dans les églises… (en fait, il n’y en a pas tant que ça, puisqu’une grande majorité de baptisés, en particulier les plus jeunes, ne fréquentent plus nos communautés), la plupart des gens ont une idée complètement fausse de ce qu’est et de ce qu’annonce l’Eglise. Nous n’avons pas réussi, depuis plusieurs années, à façonner suffisamment de familles, de paroisses, de jeunes, d’hommes et de femmes selon le cœur de Dieu pour que la société martiniquaise soit vraiment transformée par l’enseignement de l’Eglise.

Ce pays soi-disant catholique et considéré comme tel me paraît terriblement anticatholique. Partout, je vois pulluler « fornication, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haine, discorde, jalousie, emportements, disputes, dissensions, scissions, sentiments d’envie, orgies, ripailles et choses semblables » (Galates 5,20-21). Une société où le monde du travail est plein de violence, où l’avortement bat tous les records du monde, où le divorce est considéré comme un acte normal, où la vulgarité, le stupre, la fornication et la pornographie ont envahi la culture de nos jeunes, où le luxe et l’esprit bling-bling hantent les rêves des gens, où les pauvres et les personnes âgées sont ignorés… « n’héritera pas du Royaume de Dieu » (Galates 5,21). Quel que soit le nombre de prières, ce peuple-là n’honore Dieu que des lèvres !

C’est pour cela qu’il ne faut pas rater le tournant qui s’offre à nous en cette année. Il ne faut pas rater ECCLESIA’M 2020 ! Il est grand temps que le Seigneur visite notre diocèse et le protège, qu’Il sanctifie nos âmes et délivre de l’ennemi les familles, les jeunes, la société et qu’Il nous apprenne, avec l’aide de la Vierge Marie, comment Montrer Jésus partout en Martinique et au-delà, personnellement et en Eglise !

Sinon, voilà ce qui se passera demain... Les générations nouvelles diront aux chrétiens :

  • Vous qui étiez majoritaires, qu’avez-vous fait !? Regardez comme nous sommes malheureux !

Alors nous dirons :

  • Ce n’est pas de notre faute, d’autres tiraient les ficelles !

Mais ils répondront :

  • Alors pourquoi, en votre qualité de prophètes, ne vous êtes-vous pas révoltés ! Pourquoi, si l’Eglise est notre mère, n’a-t-elle pas lutté bec et ongle pour que tout cela cesse ? Pourquoi n’avez-vous pas réussi à nous faire faire une expérience suffisamment forte de Dieu pour que nous-mêmes ayons le Saint Esprit en nous et soyons forts !

Alors, si nous bégayons dans notre réponse, ils nous diront peut-être :

  • Nous allons chercher une autre mère, une autre religion, un autre dieu.

On y est presque.

+ Fr. David Macaire

Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France

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