A la recherche de la vraie liberté en survolant l’histoire de l’humanité (extrait d’un texte paru dans la revue Alizés)


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samedi 20 mai 2017
Diocèse de Martinique

Le Seigneur Dieu m’a donné des ailes. Des ailes pour rechercher la liberté et je suis remonté loin… loin dans l’histoire.

Je suis remonté jusqu’au paradis terrestre… jusqu’à l’Eden... lorsque l’homme et la femme étaient installés tranquillement, avec des fruits qu’ils pouvaient cueillir à volonté. Il n’y avait pas de travail, pas de malheur, pas de maladie, pas d’esclavage, pas de péché. Et j’ai cru, qu’avec mes ailes, j’avais trouvé la véritable paix. Mais voilà que le serpent est arrivé pour porter la haine et pour entraîner l’homme dans le péché. Ils avaient perdu la liberté.

Alors je me suis envolé plus loin, pour essayer de retrouver cette liberté. Pour la chercher à travers l’histoire. J’ai cherché longtemps.

En survolant l’Égypte, j’ai vu une colonne de nuée et un peuple oppressé par l’esclavage. Et j’entendis aussi la voix de Dieu qui disait : "J’ai vu la misère de mon peuple". Dieu envoya Moïse dire à tous ceux qui opprimaient les esclaves, à Pharaon : "Laisse partir mon peuple" (Let my people go)… Dieu guidait son peuple… Il avait vu sa misère. Et j’ai vu la mer se séparer. Alors, les misérables, les pauvres, les esclaves ont traversé à pied sec, et j’ai vu couler l’armée puissante du pharaon. Et, avec le peuple des esclaves, j’ai chanté : "Chantons le Seigneur qui a fait éclater sa Gloire, qui a jeté à l’eau cheval et cavalier"…

Malheureusement, au bout de quelques jours dans le désert, la liberté a été de nouveau perdue. Le peuple était là pour célébrer son Dieu. Mais, une fois libéré, il était tombé dans l’esclavage de l’idolâtrie. Ils ont récriminé, puis ils se sont fabriqué un veau d’or ; ils se sont prosternés devant. C’était un esclavage pire que celui d’Égypte !

Alors je me suis envolé à nouveau pour rechercher la vraie liberté, celle qui ne se perd pas.

En survolant l’histoire, je suis arrivé en 1848, lorsqu’après le commerce que l’on a appelé "triangulaire", entre l’Europe, l’Afrique, les Amériques, lorsqu’après plusieurs siècles d’oppression, les esclaves des Antilles obtenaient une liberté politique.

Je me dis : "Ça y est. Cette fois, j’ai trouvé la liberté, la vraie liberté… Les chaînes ont été brisées. Par une action de l’intelligence, de l’humanisme, par une action politique. Ça y est… Ils avaient la liberté, la paix". Mais ceux qui étaient esclaves étaient devenus des miséreux et des chaînes étaient restées dans les têtes.

Malgré l’espoir revenu, la drogue, le chômage, la violence, la pornographie, l’argent facile, les jeux, la consommation, ont fini par envahir ceux qui avaient obtenu cette liberté-là. Alors je me suis désespéré et je me suis envolé très haut sur les ailes de l’histoire.

Et je me suis rendu compte qu’il y a une liberté dans ce monde, la liberté de faire ce dont on a envie. Et cette liberté-là est une liberté du mensonge : elle s’appelle "la loi de la jungle" ou encore "le tout est permis". C’est donc la loi du plus fort. J’ai compris que la liberté toute seule, la liberté sans rien d’autre, devenait une idole. Et comme toutes les idoles, comme le veau d’or, comme le fruit de la connaissance du bien et du mal, comme les luttes politiques, la liberté seule pouvait écraser et pouvait être plus dangereuse encore. « Entre le faible et le pauvre, disait Lacordaire, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère ».

Et le Seigneur m’a emmené jusqu’à aujourd’hui, pour vous regarder dans les yeux. Et voir que le triangle de jadis, le triangle qui séparait tous les peuples, le triangle de la haine, de l’oppression, pouvait devenir un cœur, une communion.

J’ai compris que la liberté sans l’amour, la liberté sans la communion des hommes entre eux et avec Dieu, n’était rien. La liberté avec la communion, la liberté dans le Corps du Christ qui rassemble des milliers de frères en un seul Corps, cette liberté-là était bonheur pour tous.

Alors j’ai compris que la liberté qu’Adam et Ève désiraient, la liberté que le peuple était allé chercher au désert, la liberté pour laquelle les esclaves avaient lutté, nous l’avons aujourd’hui parce que nous sommes là, en Eglise, et que nous communions au Corps du Christ.

+ Fr David Macaire

Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France

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