L’invisible parjure : « Ce ne sont pas ceux qui disent : Seigneur, Seigneur » (Mt 7,21)


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samedi 14 janvier 2017
Diocèse de Martinique

L’auteur d’un livre célèbre dont j’encourage la lecture à tous et à chacun1 , se demande avec amertume comment « la liturgie elle-même est devenue une occasion pour les gens de se tenir debout publiquement pour mentir devant Dieu et devant les hommes ».

La formule est violente, mais il faut reconnaître qu’elle repose sur une certaine réalité qu’on peut observer chez nous :

En effet, lorsque vous interrogez des parents, parrains et marraines juste avant un baptême : « Voulez-vous assumer votre tâche de chrétiens envers ces enfants ? », ils répondent sagement : « Oui, nous le voulons ». De même, lorsque le prêtre invite les « mariés » à exprimer leur désir de prendre leur place dans l’Eglise et la place du Christ l’un pour l’autre… Ou encore lorsque je demande aux jeunes confirmands s’ils s’engagent toute leur vie à être de vrais apôtres de Jésus et des chrétiens fidèles… Sans parler de ces centaines de personnes qui répondent (plus ou moins) « amen » lorsqu’on leur donne « le Corps du Christ » ; qui reçoivent l’hostie avec négligence et communient en repartant vers leur banc, sans aucune dévotion apparente.

Que dire encore de ces responsables de l’Eglise installés dans une vie "chrétienne" empoussiérée qui ne témoigne pas d’une conversion véritable et de ceux, pourtant pleins de critiques et d’amertume, qui récitent le Je confesse ou le Notre Père et pratiquent le geste de « la paix du Christ » sans être dans la Vérité...?

Attention ! Je ne parle pas ici des conflits ou des crises qui semblent être plus blessantes et plus visibles, mais qui sont toujours l’occasion d’aller pus loin dans l’Amour et le pardon. Je parle de l’invisible et silencieux parjure de tous ceux qui répondent sagement et gentiment la « bonne réponse » d’un air et d’un ton creux de bons élèves qui récitent une leçon. Ils sont « fidèles » : ils le promettent, l’écrivent et le proclament avec plus ou moins de cœur devant toute l’assemblée… Mais, voilà, inconsciemment, beaucoup de ces personnes mentent.

Je sais que la foi est invisible, et qu’on ne peut et ne doit pas juger les cœurs, mais nous voyons bien, dans la pratique, qu’une immense partie de ces frères et sœurs, gentils et de bonne volonté, n’ont pas mis le Christ dans leur vie, ne sont pas en mesure d’éduquer un filleul dans le Seigneur, de vivre un mariage dont Dieu est le centre, d’être fidèles à l’eucharistie et aux commandements du Seigneur ou encore de devenir des missionnaires de l’Évangile.Enfin, et surtout, un tel chemin de médiocrité ne mène pas au salut et à la vie éternelle !

Un non-catholique qui assiste à cela a-t-il vraiment l’impression que c’est « pour de vrai » ?… Et nous-mêmes, pouvons-nous demeurer dans la ferveur de l’Esprit en voyant, année après année, les sacrements, l’Eglise, et finalement le Seigneur, ainsi parjurés en toute bonne foi dans nos célébrations ?

Loin de moi l’idée de critiquer et encore moins de condamner mes frères et sœurs. Le pasteur que je suis n’a aucun reproche à faire à des personnes qui font exactement ce qu’on leur a dit de faire. Ils ont suivi une formation, on leur a dit de venir à telle heure, de faire ceci, de s’habiller comme cela, de se tenir comme ça, etc. Les responsables de l’Eglise (donc, moi en premier) ne peuvent rejeter la faute sur les personnes ou dire que « les gens ne sont pas sérieux » : c’est notre responsabilité !

Comment et pourquoi des gens (des jeunes), qui sont venus à nous, qui ont frappé à notre porte pour demander un sacrement, qui ont suivi un enseignement dans l’Eglise, parfois pendant des années, ne sont-ils pas au final touchés par le Seigneur !? Ce ne peut être de leur faute : si 80% des pilotes d’une école de navigation échouent leur navire dès la sortie du port, l’école doit réviser ses méthodes !?

De plus, si nous peinons à faire faire une expérience du Christ à ceux qui viennent d’eux-mêmes, comment parviendrons-nous à mettre sur le chemin du Salut ceux qui sont loin de nous ?

Vous m’avez compris, et j’espère de tout cœur que cela réjouit et enthousiasme tous les responsables de l’Eglise : il y a des changements à faire, et même des révolutions, dans les méthodes de l’Eglise. Le principe de ces Révolutions est simple mais radical : MONTRER JESUS !...

Il s’applique d’ores et déjà à moi d’abord, aux pasteurs, aux membres du clergé, mais aussi à chaque responsable d’Eglise, de catéchisme, de chorale, de groupe de jeunes, d’accueil dans les presbytères ; aux paroisses, communautés, groupes, mouvements, par-dessus tout il s’applique à chaque famille, à chaque parent, à chaque enfant, aux frères et aux sœurs, aux voisins, aux collègues… bref à toi ! :

L’aspect pratique se réalisera dans ECCLESIA’M 2020 !

+ David Macaire

Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France

1 James Mellon : « Manuel de survie pour les paroisses », Ed. Artège

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