Or, le monde est pressé, au point même de devenir impatient et capricieux. Il veut tout, tout de suite. Tout en même temps, même ce qui est contradictoire, et au plus vite ! Le bonheur, le plaisir, la santé, les honneurs, la gloire, la célébrité, la jeunesse sans fin, la sérénité, la paix avec tous et la victoire sur les ennemis, les moyens nécessaires au luxe, l’amour, la protection, la lumière... Tout !
C’est pourquoi la pénombre de fin d’année, et tout ce qui lui ressemble de près ou de loin, est insupportable aux yeux des hommes (je veux parler de la souffrance de ne pas encore posséder ce que l’on souhaite, ou la tristesse de voir notre vie passer). De-là naît une véritable angoisse pour tous ceux qui ne placent leur espérance nulle part ailleurs qu’en ce monde. La souffrance fait si peur qu’on préfère la tromper plutôt que de l’affronter.
Ainsi, pour « tromper l’ennemi », nos sociétés occidentales ont depuis bien longtemps inventé une façon artificielle de vaincre la lourdeur du temps qui passe : la fête !
Jadis (avant l’ère chrétienne), les saturnales des romains qui fêtaient le passage du solstice d’hiver ; de nos jours, « les fêtes de fin d’année » (un nom bien laïc pour éviter la référence religieuse à la naissance du Fils de Dieu) répondent à ce besoin de chasser au plus vite l’angoisse et la crainte de la fin d’année et de la lumière qui diminue. Aujourd’hui comme hier, un déferlement de festivités flattant au mieux les appétits humains, vient droguer notre âme pour qu’elle oublie sa condition mortelle : cadeaux, beuverie, ripailles, pétards, luminaires et fumigènes envahissent nos villes, nos maisons… Tous les artifices sont déployés pour tenter de fuir la grisaille et la tristesse qui menacent. Mais tout cela n’est qu’un leurre : comme une vague glaciale, la morosité submerge bien des âmes qui entrent dans la nouvelle année revêtues « d’une robe de tristesse » (Baruch 5,1). Comme disaient nos grands-mères, « tro présé pa ka fè jou wouvè ! »
Mais voilà, « en ces temps qui sont les derniers, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme » (Gal 4,4). La victoire sur les ténèbres n’est ni un lampion, ni une guirlande, ni même des milliers d’ampoules : la victoire sur les ténèbres s’appelle l’Aube nouvelle, le Jour qui se lève. Le « jou wouvè » est d’abord invisible, il se fait attendre ; puis il apparaît, fragile, mais sa victoire est inexorable et définitive. Certes, lorsqu’il fait nuit, celui qui use d’une lampe électrique semble plus éclairé que celui qui n’en n’a pas. Mais celui qui attend l’Aurore, attend une lumière qui ne s’éteindra pas. Ce n’est pas une illusion éphémère qui ne perce que partiellement la nuit, mais un soleil qui la chasse définitivement.
En l’occurrence, ce « jou wouvè » est un enfant dans une mangeoire ! Face à la brutalité du dictateur Hérode, la puissance de l’armée romaine ou le manque de foi et de conversion du peuple, comme devant les replis les plus sombres de nos âmes et de l’Histoire, la réponse de Dieu semble toujours très fragile. Et pourtant, 2017 ans d’Histoire nous ont bien montré que c’est l’Enfant Jésus, et Lui seul, qui a vaincu toutes les ténèbres et dissipé toutes les nuits.
Alors patience ! Pour ceux qui savent attendre, la nuit est devenue un temps privilégié, un moment pour attendre, pour se préparer, pour servir et pour prier. Patience, Il vient bientôt !
+ David Macaire
Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France
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