Soigner et délivrer les âmes. Ecclesia’M 2020 ! 5ème Chantier de Conversion Pastorale


Informations

samedi 3 décembre 2016
Diocèse de Martinique

Pour ce dernier chantier, Mgr David Macaire pose les bases d’une réflexion générale et propose trois ateliers "assez spécialisés".

Réflexion générale

EEM : Fin du suspense !! Aujourd’hui, Monseigneur, vous nous partagez vos réflexions sur le 5éme chantier d’Ecclesia’M 2020 ! : « Soigner et délivrer les âmes ». Qu’est-ce à-dire ?

Fin du suspense… pour vous ! Pour moi, c’est le début. Comment mes frères et sœurs vont-ils s’accaparer ces chantiers et les mettre en œuvre ? Que vont donner les assemblées synodales de 2017 ?...

Mais revenons au sujet du jour.

Les blessures psycho-affectives et les maladies spirituelles sont très répandues, ici comme ailleurs. C’est la conséquence de l’illusion du serpent qui a fait croire aux hommes qu’ils pouvaient « être comme des dieux » (Gn 3,5) s’ils choisissaient eux-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal. Des philosophes dits « humanistes » ont voulu montrer, au cours des derniers siècles, que sans Dieu les êtres humains seraient soi-disant plus libres et plus heureux, plus fraternels et moins névrosés. Le résultat est sous nos yeux. Les troubles de l’âme concernent aujourd’hui toutes les couches de la population et tous les âges, dans le monde entier, et particulièrement chez nous aux Antilles. C’est une question de santé publique, mais aussi et surtout une question de Salut et de Vie éternelle.

Les conséquences, dans la société, les familles et la vie des personnes, sont énormes et bien réelles : violences, addictions, maladies, dépression, angoisses… ou, comme le dit saint Paul aux Galates, « tout ce que produit la chair : fornication, impureté, débauche idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, disputes, dissensions, scissions sentiments d’envie, orgies, ripailles et choses semblables » (Gal 5,19). Cette liste terrible ressemble trop à certaines réalités de notre vie sociale ! Enfin, le pasteur que je suis, pas plus que les autres fidèles, ne peut rester indifférent à la sentence de Paul pour « ceux qui commettent de tels actes et qui n’hériteront pas du Royaume » (Gal 5,21).

EEM : L’Eglise peut-elle quelque chose en ce domaine ? N’est-ce pas l’affaire des médecins, des psychiatres, des travailleurs sociaux, des éducateurs et des politiques ?

Sans conteste, la société fait de son mieux, avec les moyens qui sont les siens, pour contenir la vague, ou plutôt le tsunami de mal-être qui frappe les hommes et les femmes de notre temps. Mais, même s’il y a des réussites louables et des efforts réels, je ne suis pas certain que ce pouvoir humain soit en mesure de s’attaquer aux causes profondes de cette destruction de l’être humain en son corps, son équilibre, sa dignité, sa famille, ses relations. L’origine de ce combat est spirituelle et c’est par l’Esprit que la vraie victoire peut être remportée. « Le fruit de l’Esprit, dit saint Paul, est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (Gal 5, 22-23).

L’héritage de l’Eglise Catholique est très riche en ce domaine, aussi bien dans sa dimension mystique que dans sa dimension scientifique. Côté mystique et spirituel, n’oublions pas que Jésus a donné à ses apôtres le « pouvoir des clés » pour délier les âmes sur terre et au ciel (Mt 18,18) et le pouvoir de prendre autorité en son Nom, sur toutes maladies et sur les esprits mauvais. Les pasteurs, les spirituels et les saints de l’Eglise ont toujours utilisé ce don du Seigneur à son Eglise pour soigner et délivrer les âmes. Côté scientifique et psychologique, les moines, les théologiens et les ascètes ont acquis une connaissance inégalée du psychisme humain dont ils se sont servi pour accompagner tant d’hommes et de femmes vers la liberté à travers les siècles et les méandres complexés de leur vie.

Notre génération ne peut démissionner de cette tâche urgente.

EEM : Y a-t-il des particularités antillaises en ce domaine ?

Je crois que nous ignorons souvent la dimension affective dans notre agir. Or, elle est souvent déterminante. Notre sensibilité, quand elle n’est pas maîtrisée, entraîne des violences et de l’outrance. Nous sommes capables de justifier et d’enrober nos réactions avec des grands principes moraux très rationnels. Inversement, il nous arrive d’accuser les autres de malveillance ou de leur prêter toutes sortes d’intentions mauvaises. En fait, nos réactions sont, la plupart du temps, fondées sur des affects, des passions !

EEM : C’est-à-dire ?

Eh bien ! Nos réactions et nos relations sont souvent déterminées davantage par nos blessures profondes et inconscientes que par des décisions rationnelles. Un mépris reçu jadis, un abandon, des violences, l’absence d’un parent, un avortement, un divorce, un pardon non-donné ou au contraire des flatteries sont à la source de tant de nos réactions, de nos actes et nos paroles ! Il faut aussi considérer la contamination qui provient des failles de notre culture, des peurs du monde qui nous entoure, de l’héritage plus ou moins sombre de nos ancêtres et de notre histoire et des infestations spirituelles que certains ont contractées en allant voir de mauvaises personnes.

Il est temps de mettre à disposition du peuple de Dieu le trésor spirituel de l’Eglise pour briser ces chaînes dans le Nom de Jésus !?

Les ateliers du chantier

EEM : Quels sont donc les ateliers de ce chantier pour soigner et délivrer les âmes ?

Ce sont, il faut le reconnaître, des ateliers assez spécialisés qui demandent de la formation et des compétences que Dieu demande à l’Eglise de partager. Il y en a trois :

La guérison spirituelle qui concerne le ministère de délivrance et d’exorcisme et la formation des ministres.

L’accompagnement spirituel pour former et organiser toutes les réalités qui offrent une écoute au plus grand nombre.

La santé et le bien-être des gens dont l’Eglise s’est toujours préoccupée au nom du Divin Créateur qui veut le bonheur de ses enfants.

EEM : Quelles sont les pistes que vous proposez à ces ateliers ?

En ce qui concerne la guérison spirituelle, la réflexion est l’une des plus avancée du plan ECCLESIA’M 2020 !. Il a fallu en effet mettre en route au plus vite cet atelier car le nombre de demandes était très important et que beaucoup de personnes sont en souffrance. Or, dans ce genre de souffrance, les gens sont prêts à faire n’importe quoi, y compris à se jeter dans la gueule du loup en allant voir des gadé zafè pour être débarrassés de leurs problèmes. Beaucoup s’imaginent aussi que certains ministres ont un pouvoir magique et qu’une simple prière de leur part suffira. Ce n’est pas vrai. L’Eglise n’a d’autre pouvoir que l’Amour du Seigneur qui libère de toutes chaînes. Mais il faut aussi que les fidèles tourmentés soient disposés à accueillir l’Amour et renoncent à toute ténèbre. Et cela demande du temps !

La bonne nouvelle est que cet atelier est en cours et que le « Service diocésain saint Padre Pio » sera bientôt opérationnel. Là-dessus, nous n’attendrons pas 2020 pour communiquer aux fidèles son fonctionnement.

Mais vous comprendrez que ce n’est pas en une journée qu’on peut mettre en place une telle structure. Il aura fallu fédérer des prêtres, des diacres, des religieuses, des laïcs et des professionnels divers, prendre ensuite le temps d’organisation, de structuration et de formation nécessaire. De plus, toutes les demandes ne relèvent pas d’un ministère de délivrance et d’exorcisme, et nous devons savoir apporter une assistance, une réponse et un diagnostic à ces fidèles tourmentés.

Mais les choses avancent. Merci Seigneur !

EEM : Quelle différence faites-vous avec l’accompagnement spirituel ?

L’accompagnement spirituel est l’atelier principal de ce chantier ! La pénurie d’accompagnateurs et le manque de disponibilité du clergé, trop peu nombreux, ont fait que bien des fidèles ignorent qu’un des moyens majeurs de la vie spirituelle dans notre Eglise est l’accompagnement. Bien-sûr, la pratique liturgique, la confession régulière, la prière, les lectures ou la radio, ou encore l’engagement missionnaire et le service, nourrissent quotidiennement nos âmes et les protègent du mal. Mais l’accompagnement spirituel avec un frère ou une sœur qui m’écoute régulièrement ou à certains moments de mon existence, est indispensable. Je pense notamment aux jeunes, aux néophytes ou à tous ceux qui sont à un tournant dans leur vie, ou encore les âmes, nombreuses j’espère, qui veulent avancer plus loin sur le chemin du Seigneur, sans parler de ceux qui sont dans des milieux ou des situations où leur vie spirituelle est rendue difficile ou mise en danger…

En Martinique, le Seigneur a suscité des lieux de bénédiction où des âmes, ponctuellement ou régulièrement, peuvent bénéficier de ce trésor. En plus des prêtres, qui y consacrent déjà pas mal de temps, il y a les monastères, le Foyer de Charité, les communautés comme l’Emmanuel, le Chemin Neuf, Vie et Partage, les mouvements comme le Renouveau Charismatique, Mère de Miséricorde ou le Réseau Ignatien qui se met en place. Je me réjouis particulièrement de l’initiative de Sr Bernadette et du père Jean-Marie Yang-Ting qui ont mis toute leur énergie à fonder le Centre Eaux Jaillissantes qui a permis la formation de beaucoup d’écoutants (dont votre serviteur !) et l’accueil de tant de fidèles !

Cet atelier devra réfléchir à parfaire le dispositif, à organiser des formations, à créer des structures (des permanences d’écoute par exemple, notamment dans les trois sanctuaires diocésains de la Délivrande, du Sacré-Cœur et de la Salette), à faire en sorte que des écoutants bien formés soient disponibles dans chaque paroisse, en lien avec les prêtres, le plus souvent possible. C’est l’un des ministères les plus importants de l’Eglise du XXIéme siècle, mais il est très exigeant spirituellement pour ceux qui l’exercent.

EEM : Le troisième atelier de ce chantier concerne la santé et le bien-être ! Monseigneur, en quoi l’Eglise catholique est-elle concernée par ce domaine !? Encore une fois, n’est-ce pas l’affaire de professionnels ?

L’un n’empêche pas l’autre ! Je veux dire que les chrétiens doivent savoir être des professionnels dans les domaines où le Seigneur les envoie. Or, précisément, la santé et le bien-être ont toujours été un domaine important de l’action chrétienne. À ma connaissance, le soin des malades et des « mal-en-point » était un élément central du ministère de Jésus. L’Eglise, depuis 2000 ans, a continué dans ce domaine. Les moines et même les mystiques ont mis en pratique, par l’alimentation, le jeûne, l’activité physique, les plantes, tous les ressorts que le Créateur avait mis à leur disposition pour que leur corps sain soit au service de la sainteté de l’âme. Nous avons toute une tradition ecclésiale et monastique en ce domaine du bien-être et de la santé, dont le maillon le plus célèbre est sainte Hildegarde de Bigen, faite docteur de l’Eglise par le pape Benoît XVI.

Le drame, c’est que beaucoup de fidèles et de pasteurs ont négligé ce trésor et oublié cet enseignement basique, alors même qu’en raison d’une alimentation malsaine et des conditions de vie stressantes, les hommes de ce temps en ont d’autant plus besoin. Cet appétit de bien-être est même devenu une idole pour beaucoup. Et les puissances d’argent l’ont bien compris. Elles y répondent avec plus ou moins de philanthropie : médecines nouvelles et parallèles, pratiques orientales et ésotériques, pratiques alimentaires diverses et coûteuses, sports inédits, cures, stages, sessions et même « retraites » … Dans tout cela, il y a du bon et parfois du moins bon, notamment des pratiques occultes. D’un autre côté, plusieurs de ces pratiques sont inspirées de l’enseignement des mystiques catholiques. Il est temps que l’Eglise réintègre son héritage, le purifie et le propose à ses fils et à ses filles.

En outre, la société martiniquaise connaît une période de vieillissement. Ces problématiques sont au cœur de la préoccupation des personnes et des fidèles. Combien de fois, au cours des retraites et des rencontres, ce sujet n’est-il pas abordé dans les conversations ? Cet atelier devra donc mettre en œuvre cette tradition, l’adapter à la réalité antillaise et proposer largement (notamment aux plus jeunes) un style de vie, d’activité physique et sportive et d’alimentation conforme à la volonté de Dieu sur le corps de l’Homme.

EEM : Monseigneur Macaire, nous en avons fini… ?

Pour l’exposé des premières idées… oui ! Et encore !? Une plaquette devrait être éditée avec l’ensemble du plan pastoral. Cela constituera un Instrumentum Laboris pour tous : la base commune de travail et de réflexion. Mais ce n’est qu’une étape. Nous consacrerons 2017 à collecter des nouvelles idées et à corriger celles qui sont énoncées dans ces interviews. Déjà plusieurs paroisses se sont saisies de ces textes et des initiatives voient le jour çà et là. J’ai hâte de collectionner tout cela. Sans oublier les cinq chantiers de « fondation » (le secrétariat général d’ECCLESIA’M 2020 !, la formation et la création d’un Institut Catholique, la vie des prêtres et les vocations, le perfectionnement de la Liturgie et l’immobilier) que je n’ai pas détaillés ici, mais sur lesquels des équipes sont déjà à pied d’œuvre.

Enfin, j’attends des cinq assemblées synodales (une par chantier) ce double travail : évaluer les idées de chaque atelier et en fournir les ouvriers… Au travail ! Jésus nous attend partout en Martinique et au-delà, personnellement et en Eglise !

Dans la même catégorie