La fin d’un monde…


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jeudi 5 novembre 2015
Diocèse de Martinique

Le monde actuel, et surtout notre Martinique d’aujourd’hui, nous inquiète. On sent parfois dans le pays comme une anxiété latente, une panique sociale. Les sujets d’appréhensions se multiplient : beaucoup de familles et de couples explosent ; les personnes âgées vieillissent seules ; les jeunes, plus que les autres, sont marqués par cette ambiance délétère et anxiogène. Ceux qui le peuvent quittent le pays pour trouver ailleurs leur épanouissement professionnel, affectif et même spirituel. Ceux qui restent sont menacés par le chômage et le désœuvrement.

La violence envahit nos quartiers, alors que de plus en plus de jeunes jouent à la roulette russe avec leur vie sur la route et ailleurs. Pendant que les hommes sombrent dans la drogue, l’alcool, la pornographie et le sexe facile, les femmes ont recours en masse à l’avortement (l’un des plus fort taux au monde). Les esprits de morts ainsi libérés produisent toute sorte de maladies mentales et spirituelles et, bien sûr, l’usage des sorcelleries diverses n’arrange pas les choses. Et je ne parle pas des menaces naturelles et écologiques…

Les forces vives et les bonnes volontés ne manquent pas : les travailleurs sociaux, les éducateurs, le milieu associatif, les hommes et femmes politiques, et bien sûr les croyants, sont à l’œuvre. Mais elles semblent bien petites pour contenir des maux dont l’origine nous dépasse. Demeure l’impression que tous les remèdes ont été tentés sans résultats durables, et que les efforts ne font que ralentir la progression d’un mal inexorable.

De gros nuages planent : serait-ce la fin du monde ? Je ne sais pas (car nous n’avons pas à le savoir) quand sera la fin du monde, mais je sais que quelque chose de notre monde actuel va cesser, va mourir, va passer. Faut-il le craindre ? Faut-il se battre coûte que coûte pour éviter cette fin ? Faut-il se laisser aller au défaitisme en se livrant aux distractions massives, ou pratiquer la « fuite en avant », alors même qu’« on n’y croit plus », pour essayer de sauver sa peau malgré tout dans le « chacun pour soi » ?

Peut-être qu’une bonne nouvelle se cache derrière cette situation : les moussons, ces pluies diluviennes qui couvrent l’Inde à intervalle régulier et qui apportent chaque année leur lot de désolation, sont aussi accueillies par la sagesse populaire comme une renaissance, une vie nouvelle.

La Parole de Dieu en cette fin d’année liturgique nous répond en nous révélant un avenir à la fois lumineux et terrifiant. Elle nous révèle sinon le moment, mais du moins l’esprit de la fin du monde, de la fin de tout monde : « Je vis, dit saint Jean le visionnaire, un ciel nouveau, une terre nouvelle - car le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n’y en a plus. Et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s’est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. J’entendis alors une voix clamer, du trône : "Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé." Alors, Celui qui siège sur le trône déclara : "Voici, je fais l’univers nouveau." (Apocalypse 21,2 ss)

A la lumière de la Parole de Dieu, ne devrions-nous pas espérer cette civilisation nouvelle, mais franchement nouvelle, que le Bienheureux Paul VI, saint Jean-Paul II et Benoît XVI ont appelé la « Civilisation de l’Amour » et dont le Pape François a jeté les bases concrètes et politiques dans son encyclique Laudato Si.

Et si la société martiniquaise était la première au monde à bâtir cette Civilisation de l’Amour ? Et si c’était notre vocation pour le monde de vivre ce à quoi tous les hommes aspirent ? Une société solidaire, où on accepte d’avoir une voiture plus petite, de ne pas s’acheter des écrans multiples, de consommer local, de ne pas profiter du système et de ses failles, d’aider et de soutenir les plus faibles, de donner des "coup-de-main", de ne plus pratiquer le "nèg kont nèg", de rejeter toute sorcellerie, de respecter la nature et de ne pas produire de déchets, de s’encourager, d’accueillir la vie de sa conception à sa fin naturelle, de jeter un regard d’espérance sur nos jeunes, même quand ils sont en échec… On dira que je rêve, mais lequel d’entre nous ne partage pas ce rêve ? Et si nous l’avons tous au cœur, quel démon nous empêche de le réaliser ?

Ce n’est donc pas un rêve, c’est une prophétie ! C’est mon rôle de pasteur de l’Eglise catholique de la proclamer, mais je ne peux être seul à la porter. Je lance cet appel d’abord aux prêtres et aux fidèles de mon Eglise ; je lance cet appel à la veille des échéances politiques importantes, voire historiques, aux leaders politiques et aux candidats à l’élection de la CTM ; je lance cet appel aux décideurs du monde économique ; je lance cet appel aux familles et aux travailleurs sociaux ; par-dessus tout, je lance cet appel à ceux qui sont les plus frappés par les fléaux sociaux, à ceux qui sont sans travail, sans famille, sans santé, à ceux qui sont dans les rues et les difficultés. Par la grâce, si eux se relèvent et se mettent à espérer, qui refuserait de les suivre ?

Ainsi, par la puissance de la grâce du baptême que tant de Martiniquais ont reçu, je proclame que « si quelqu’un est dans le Christ, il est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là ». Que ce monde, et chacun de nous, accepte de mourir et de renaître dans le Christ, notre Alpha et notre Oméga, et tout sera renouvelé.

+ David Macaire

Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France

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