Et si, aujourd’hui, les jeunes espéraient de notre Église un accompagnement sur le terrain des idées, un discernement dans leur vie sociale et politique ? L’idée peut paraître saugrenue. Les responsables de communautés, de prêtres, de fidèles vont me croire en train de dévier… Mais, en cette fête du Christ-Roi, pensons-y.
Depuis plusieurs décennies, conduits par l’Esprit-Saint, les pasteurs et les prophètes catholiques choqués par l’esprit de sécularisation qui s’est mis à gangréner le pays, provoqués par le besoin de consolation spirituelle qui a jailli de tant de coeurs blessés, attaqués par les farouches tenants du matérialisme et de l’athéisme pratiques, blessés par la perversion de tant d’âmes attirées par des débauches ou des ésotérismes occultes et ténébreux, défiés par les rodomontades de leaders religieux hétérodoxes, accablés par l’ignorance d’un peuple qui mourait faute de connaissance (Os 4,6) ont insisté sur la vie morale et spirituelle. Il a fallu, et il faut encore, enseigner, former, prier, consoler, louer, revigorer la foi. Messes, groupes de spiritualité, retraites, pèlerinages, évangélisations, recollections, adorations, enseignements, chapelets, chemins de croix et catéchismes se sont multipliés… Cela est juste et bon. Mais cette pédagogie montre des limites. Elle ne répond pas à toutes les attentes. Elle ne correspond pas à tous. Beaucoup d’hommes, de jeunes, d’actifs ne se sentent pas concernés (voire se sentent exclus) par un discours exclusivement moral et spirituel. Nous laissons au pouvoir de Satan ceux qui, pour une raison ou pour une autre, s’investissent sur d’autres terrains que celui de la religion. Certains chrétiens développent une forme de schizophrénie sociale : « chrétien à la messe le dimanche et dans des activités religieuses, mais ignorant de l’Évangile en ce qui concerne ou motive les choix et engagements politiques, professionnels ou sociétaux ». Alors : Croyons-nous que Jésus n’ait rien à dire à ceux qui travaillent ? ou à ceux qui s’engagent dans la société ? Ne nous parle-t-Il que lorsque (ou parce que) nous pratiquons une activité religieuse !? N’est-il pas le Sauveur de ceux qui cultivent la terre ou réparent les routes, de ceux qui enseignent, éduquent ou soignent ; de ceux qui nous transportent ou nous informent ; de ceux qui dirigent, font du commerce ou des campagnes électorales ?...
Le discours de l’Église se limite-t-il à la Bible, à la prière et aux moeurs sexuelles et matrimoniales, ou a-t-il une lumière particulière pour chaque milieu ou engagement social ? L’Évangile est-il étranger à une partie de notre humanité !? Il fut un temps, celui des pères Jean-Michel, Morlan, Zaïre, Pulvar… où la réponse était évidente. Peut-être avait-on négligé la vie spirituelle au profit de l’engagement social…
Aujourd’hui les cathos ne s’impliquent presque plus, même à l’appel de l’Église, dans la vie de la société. Sans opposer les deux dimensions, le temps n’est-il pas venu pour les chrétiens (et pour la pensée politique de l’Église) d’arrêter de se calfeutrer dans les confortables niches "spiritualisantes" qui passionnent nos grands-mères, pour s’élancer en conquérant joyeux (Ps 18,6) forte de la puissance salvatrice de Jésus (Vatican II), dans l’arène de ce monde où nous sommes attendus. Qui sait !? Les journalistes, les idéologues, les rhéteurs et débatteurs n’attendent peut-être que ça. Et puis, des milliers de jeunes perdus par un monde devenu fou, écartés du spirituel, peu convaincus par nos discours moraux ont peut-être le désir secret de se sentir aimés, rejoints, compris par l’Église ! Tous ceux-là, je le crois, restent fondamentalement catholiques et attendent l’Espérance sans se l’avouer !
Le Curé d’Ars disait que le monde attend le passage des saints, mais il l’attend dans le monde, pas dans des églises entre 8h et 9h30 le dimanche ! C’est aussi cela l’Église en sortie.
+ Fr David Macaire, Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France
Et si, aujourd’hui, les jeunes espéraient de notre Église un accompagnement sur le terrain des idées, un discernement dans leur vie sociale et politique ? L’idée peut paraître saugrenue. Les responsables de communautés, de prêtres, de fidèles vont me croire en train de dévier… Mais, en cette fête du Christ-Roi, pensons-y.
Depuis plusieurs décennies, conduits par l’Esprit-Saint, les pasteurs et les prophètes catholiques choqués par l’esprit de sécularisation qui s’est mis à gangréner le pays, provoqués par le besoin de consolation spirituelle qui a jailli de tant de coeurs blessés, attaqués par les farouches tenants du matérialisme et de l’athéisme pratiques, blessés par la perversion de tant d’âmes attirées par des débauches ou des ésotérismes occultes et ténébreux, défiés par les rodomontades de leaders religieux hétérodoxes, accablés par l’ignorance d’un peuple qui mourait faute de connaissance (Os 4,6) ont insisté sur la vie morale et spirituelle. Il a fallu, et il faut encore, enseigner, former, prier, consoler, louer, revigorer la foi. Messes, groupes de spiritualité, retraites, pèlerinages, évangélisations, recollections, adorations, enseignements, chapelets, chemins de croix et catéchismes se sont multipliés… Cela est juste et bon. Mais cette pédagogie montre des limites. Elle ne répond pas à toutes les attentes. Elle ne correspond pas à tous. Beaucoup d’hommes, de jeunes, d’actifs ne se sentent pas concernés (voire se sentent exclus) par un discours exclusivement moral et spirituel. Nous laissons au pouvoir de Satan ceux qui, pour une raison ou pour une autre, s’investissent sur d’autres terrains que celui de la religion. Certains chrétiens développent une forme de schizophrénie sociale : « chrétien à la messe le dimanche et dans des activités religieuses, mais ignorant de l’Évangile en ce qui concerne ou motive les choix et engagements politiques, professionnels ou sociétaux ». Alors : Croyons-nous que Jésus n’ait rien à dire à ceux qui travaillent ? ou à ceux qui s’engagent dans la société ? Ne nous parle-t-Il que lorsque (ou parce que) nous pratiquons une activité religieuse !? N’est-il pas le Sauveur de ceux qui cultivent la terre ou réparent les routes, de ceux qui enseignent, éduquent ou soignent ; de ceux qui nous transportent ou nous informent ; de ceux qui dirigent, font du commerce ou des campagnes électorales ?...
Le discours de l’Église se limite-t-il à la Bible, à la prière et aux moeurs sexuelles et matrimoniales, ou a-t-il une lumière particulière pour chaque milieu ou engagement social ? L’Évangile est-il étranger à une partie de notre humanité !? Il fut un temps, celui des pères Jean-Michel, Morlan, Zaïre, Pulvar… où la réponse était évidente. Peut-être avait-on négligé la vie spirituelle au profit de l’engagement social…
Aujourd’hui les cathos ne s’impliquent presque plus, même à l’appel de l’Église, dans la vie de la société. Sans opposer les deux dimensions, le temps n’est-il pas venu pour les chrétiens (et pour la pensée politique de l’Église) d’arrêter de se calfeutrer dans les confortables niches "spiritualisantes" qui passionnent nos grands-mères, pour s’élancer en conquérant joyeux (Ps 18,6) forte de la puissance salvatrice de Jésus (Vatican II), dans l’arène de ce monde où nous sommes attendus. Qui sait !? Les journalistes, les idéologues, les rhéteurs et débatteurs n’attendent peut-être que ça. Et puis, des milliers de jeunes perdus par un monde devenu fou, écartés du spirituel, peu convaincus par nos discours moraux ont peut-être le désir secret de se sentir aimés, rejoints, compris par l’Église ! Tous ceux-là, je le crois, restent fondamentalement catholiques et attendent l’Espérance sans se l’avouer !
Le Curé d’Ars disait que le monde attend le passage des saints, mais il l’attend dans le monde, pas dans des églises entre 8h et 9h30 le dimanche ! C’est aussi cela l’Église en sortie.
+ Fr David Macaire, Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France
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