Lors des voeux au clergé, j’ai évoqué la fragilité des pasteurs face aux attaques dont ils sont victimes. Pourtant, un pasteur peut et doit défendre non seulement l’ensemble du troupeau, mais aussi chaque membre en particulier. Comme un père de famille, il secourt ses enfants face aux agressions extérieures, aux malveillances, aux tentations ou aux perversions. Mais il doit aussi les protéger d’eux-mêmes, des virus qui contaminent la communauté et se transmettent d’un membre à l’autre : ignorance, médisances, jalousies. Vaste programme...
Cette responsabilité des pasteurs catholiques est symbolisée par la crosse de l’évêque. Elle est une arme pour chasser les bêtes féroces, mais aussi un outil pour rattraper les brebis qui s’écartent du troupeau N’est-ce pas étrange de donner un instrument de violence à un ministre de Jésus ?! Pas tant que ça : la Bible nous invite à prendre l’équipement de combat (casque, glaive, bouclier, armure) donné pour éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais (cf. Ep 6, 10-18). Devant le péché (mal subi ou mal commis), la violence est nécessaire (Mt 11,12) : savoir s’arracher une main ou un oeil s’ils nous conduisent à la faute (Mt 5,29- 30) et faire un fouet avec des cordes (Jn 2,15) pour chasser ce qui souille le temple. Nous aimons tout homme, y compris les pécheurs, mais nous devons haïr le péché.
La crosse de l’évêque n’est donc pas simplement un bâton de pèlerin, mais une arme qui rappelle aux pasteurs qu’ils risquent leur vie dans une bataille. Ils sont la cible de ceux. qui haïssent ou convoitent les brebis du Seigneur. C’est normal : abattre le pasteur c’est avoir le troupeau ! Il est écrit : « Je frapperai le pasteur et les brebis seront dispersées » (Mt 26,31). S’attaquer aux pasteurs de l’Église est donc l’oeuvre satanique par excellence !
Reste une question : le bon berger doit-il se défendre lui-même ? Jésus a guéri les malades, rendu la vue aux aveugles, fait entendre les sourds, parler les muets, marcher les boiteux ; il a même ressuscité les morts… Mais il n’a pas levé le petit doigt pour se sauver Lui-même. Pourtant « 12 légions d’anges auraient pu se lever pour lui » (Mt 26,53). Alors qu’on l’a provoqué : « Médecin, guéris-toi toimême » (Lc 4,23), « descends de la croix » (Mc 15,38) ... Le Bon Berger a donné sa vie pour ses brebis ! (Jn 10,11). Il n’a pas utilisé sa crosse pour se défendre lui-même. Face au déchaînement du mal, un pasteur à la suite de Jésus n’a d’autre arme que l’humilité et le silence de l’agneau[1].
Alors, que doit faire le troupeau ? La violence est inutile (rappelons-nous Pierre à Gethsémani (Mt 26,52) !). La protection du pasteur, c’est l’amour et la présence du troupeau. Attaqué, Paul s’est plaint : (« tous m’ont abandonné » Ac 4,16) et s’est montré déçu de Jean-Marc qui a battu en retraite devant les rudesses de la mission (Ac 15,38) … Par contre, il se réjouit malgré la haine de ses adversaires : « Je sais que des loups redoutables s’introduiront chez vous et n’épargneront pas le troupeau. Du milieu de vous surgiront des hommes qui tiendront des discours pervers pour entraîner les disciples à leur suite. Soyez donc vigilants, et souvenez-vous que, nuit et jour, je n’ai cessé, dans les larmes, de reprendre chacun d’entre vous ». Quand Paul eut parlé, il s’agenouilla et pria. Tous se mirent à pleurer abondamment ; ils se jetaient à son cou et l’embrassaient (Ac 20, 29-37).
Jésus aussi exige de son disciple amour, loyauté et fidélité : « Pierre, m’aimes-tu ? M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » (Jn 21,15). C’est donc par des témoignages d’amour et de reconnaissance que les fidèles doivent défendre leurs pasteurs.
+ Fr David Macaire, Archevêque Archevêque de Martinique
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