Invitez des pauvres à votre table !


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lundi 13 novembre 2023
Diocèse de Martinique

Y aurait-il chez nous une certaine honte : « chez moi n’est pas assez rangé »… à moins que ce ne soit une certaine méfiance quant au regard de l’autre : « les gens vont regarder chez moi », la peur du « makrélaj ».

Les plus anciens se souviennent de ce refrain : « Laisserons-nous à notre table un peu de place à l’étranger ». Nous l’avons chanté à tue-tête.

La table de notre maison (nos grandsmères disaient en dedans) est un lieu privé et sacré. Elle n’est pas qu’un outil technique pour manger. C’est autour de cette table que se rassemblent (ou pas !) les membres de la famille. La table est donc fortement symbolique et représente le lieu de l’unité de ceux qui vivent sous un même toit : on est tourné les uns vers les autres, on partage les plats, on parle, on échange, on apprend à se connaître, à s’aimer… (ou pas !). Elle est parfois maigre, commune ou festive selon les évènements de la famille. Beaucoup de choses se jouent autour de cette table, en positif ou en négatif. D’une certaine manière, c’est l’équivalent, à la maison, de l’autel au choeur de l’église autour duquel se réunit la communauté pour le saint Sacrifice de la messe. Certains viennent, d’autres non ; certains communient, d’autres non. Ainsi, c’est autour de la table d’une famille que l’on mesure son unité et son amour : mange-t-on ensemble ? à la même heure ? le même repas ? dans la bonne humeur ? dans la vérité ?... (ou pas !) et enfin est-elle ouverte ? Si oui, à qui ?

 Jésus dit : « Quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes » (Lc 14, 13-14). C’est clair et limpide. Ce verset n’est pas à interpréter ni à spiritualiser de peur de le voir relativiser. Comme dirait le pape François, il est à mettre en oeuvre « sine glossa », sans commentaire. Laissonsnous donc vraiment à notre table, un peu de place au pauvre ? Ne sommes-nous pas marqués par ce péché de mondanité bourgeoise qui nous fait préférer inviter du « beau monde » ou des proches que des pauvres et des étrangers (et dans ce cas, le mot « étrangers » signifie non seulement ceux qui viennent d’autres pays mais aussi ceux que nous ne connaissons pas assez même s’ils sont des catholiques de la même paroisse). Notre culture antillaise comporte une résistance intrinsèque à ce commandement du Seigneur. Deux exemples : (1) Il a fallu beaucoup de temps dans certaines paroisses pour que les membres des PCE de la catéchèse familiale acceptent de recevoir chez eux leurs voisins dont les enfants sont au catéchisme avec les leurs. (2) Des personnes venues d’ailleurs (notamment des métropolitains, mais aussi des antillais : guadeloupéens ou guyanais) me font souvent la remarque qu’elles sont bien accueillies en public et dans des groupes en Martinique, mais ne sont quasiment jamais reçues ni invitées « à la maison » par les autochtones ! Comment expliquer cela ? Je ne sais. Il faudrait consulter des sociologues ou des psychologues. Y aurait-il chez nous une certaine honte : « chez moi n’est pas assez rangé »… à moins que ce ne soit une certaine méfiance quant au regard de l’autre : « les gens vont regarder chez moi », la peur du « makrélaj ».

Quoi qu'il en soit, une conversion est nécessaire. Voici un petit questionnaire auquel nous devons tous répondre (il vaut aussi pour nos bwè-manjé paroissiaux) : Qui recevons-nous chez nous ? Recevons-nous volontiers ceux que nous ne connaissons pas, même quand ils font partie de l’assemblée chrétienne ? Depuis quand avons-nous invité un pauvre ou des personnes très modestes à notre table ? Sont-ils systématiquement conviés lors de nos réceptions ? Sont-ils une priorité ? Y pensons-nous seulement ? Qui ouvre sa table, ouvre son coeur ! Recevoir un pauvre c’est recevoir le Christ, Lui-même. Ouvrons donc notre table aux étrangers et aux pauvres. Cela demande des efforts, une victoire sur bien des peurs, mais c’est là que se vérifie notre foi. Ainsi commence la fraternité !

+ Fr David Macaire, Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France ■

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