Il ne suffit pas de mettre du piment !

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samedi 22 octobre 2022
Diocèse de Martinique
Il en est de même pour l’inculturation dans l’Église Catholique. Elle consiste à exprimer la foi universelle au moyen de notre culture particulière. Il ne suffit pas qu’un quidam compose des chants en créole ou traduise (avec des formules approximatives) à partir du français des passages de la messe ou de l’Écriture sur un rythme cadencé pour dire que c’est un travail d’inculturation. De même que le court-bouillon de Mme Laguère demandait une préparation longue et minutieuse, le travail d’inculturation est long, progressif, communautaire et même contemplatif !
Le professeur Saffache faisait remarquer que l’urbanisation des villes et campagnes qui s’est réalisée en quelques décennies chez nous avait pris des siècles dans d’autres pays de vieille civilisation. L’inculturation aussi ne se fera pas en un jour, ni même en une génération…
Voilà deux pistes majeures de l’inculturation à laquelle l’Esprit et l’Église nous appellent au nom même de l’Incarnation du Seigneur Jésus (Lui-même totalement immergé dans sa culture).
1° Rester Catholique, c’est-à-dire « universel », pour tout homme et toute femme. Les particularités de chaque culture ne doivent en aucun cas être considérées comme un singularisme, mais au contraire comme un enrichissement de la culture commune. Contrairement à la mondialisation, le catholicisme ne cherche pas à noyer toutes les cultures dans la culture occidentale ! Les catholiques d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique n’ont aucun complexe par rapport à l’Europe pour être à la fois pleinement catholiques (accueillant tout homme et toute femme) et pleinement incarnés dans l’expression de leur foi ! L’inculturation se doit absolument de faire en sorte que tout catholique se sente « chez lui » quand nous célébrons la foi de tous, selon notre culture !
2° Éviter la vulgarité. Si nous croyons que notre culture mérite des lettres de noblesse, alors nous seuls pouvons le montrer ! Le sacré n’est pas le profane, il n’est pas vulgaire. Il ne faut pas confondre culture et folklore ! Si les célébrations créoles sont systématiquement des « ouélélés » à mi-chemin entre un vidé et un zouk, on dira que notre culture est incapable d’élever l’âme vers la contemplation et ne sert qu’à exciter les sens. Si nos traductions ne sont que des périphrases approximatives, faites à partir du français (au lieu des langues originelles !) ça prouvera que le créole n’a pas la capacité d’exprimer les subtilités spirituelles… Un vrai travail de linguistes et de théologiens est nécessaire. Il y a parfois des interprétations si mauvaises des chants de la messe (Gloria, Sanctus, Agnus Dei…) qui me font honte, même si je comprends l’effort de ceux qui les mettent en œuvre.
Pour finir, je voudrais louer le travail de « Bèlè Légliz ». Les prêtres et les laïcs qui ont entrepris cette œuvre ne sont globalement tombés dans aucun des pièges que je viens de souligner. Cela doit faire notre fierté : l’usage adapté des percussions (le tambour, bien utilisé, est un excellent instrument liturgique, beaucoup plus que la batterie souvent invasive et qui ne fait pas partie de notre culture !), la qualité spirituelle des traductions, la centralisation sur l’Écriture Sainte et le travail de technique musicale en vue de produire du sacré sont à l’honneur de notre culture et de notre Église Catholique.
+ Fr David Macaire, Archevêque
de Saint-Pierre et Fort-de-France
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