Le chrétien et la sincérité


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dimanche 29 septembre 2024
Diocèse de Martinique

Peut-on vivre la foi chrétienne sans la sincérité ? Peut-on réussir une relation sociale,
familiale sans la sincérité ? Notre Pays, la Martinique, peut-elle vivre en paix et en
développement humain sans la sincérité ? La sincérité se présente selon moi comme le
principe essentiel de la vie bonne.

Du latin sinceriter que nous pouvons disséquer en sin : sans ; de Cere qui signifie mélange et ter qui désigne trois fois, le mot sincérité signifierait trois sans mélange. Ce qui veut dire que ce qui est sincère c’est ce qui se mélange tout en restant soi. Sinceriter est un adverbe de sincerus qui signifie pur, intact, naturel. Il revient alors à dire que la sincérité est le caractère de quelque chose ou d’un acte de pureté, d’intact, de naturel, de non altéré, non corrompu enfin de non fardé.

 Si donc la sincérité est l’expression fidèle des sentiments réels, c’est dire qu’elle est l’expression pure, sans farde, sans corruption de ce que l’on ressent. La sincérité n’est donc pas le sentiment ressenti mais la façon de dire ou l’expression de ce sentiment. Il s’agit donc d’exprimer la vérité de ce qu’on sent. Puisque la sincérité est une façon de dire, elle nécessite une culture. Elle est donc vue comme une vertu. Un homme sincère est celui qui a un caractère authentique. L’authentique est celui qui est sincère dans l’expression de son être profond. Il ne s’agit donc pas d’une expression simple mais d’un discours au-delà même du discours. Et s’il s’agit donc d’un au-delà du discours, nous avons affaire à un méta-logos. Et ce méta-logos s’appelle Dieu. Dieu est le SINCERE. Et tout chrétien, porteur du Trois fois Saint en soi et Sacrement de la Présence divine en notre société, doit donc cultiver cette vertu de la Sincérité. En réalité, la sincérité est une vertu philosophique que seul le discours au-delà du discours peut expliquer. Seul le Verbe fait chair peut l’indiquer.

Quel lien alors le christianisme entretient-il avec la sincérité ? Rappelons que le christianisme est la religion fondée sur la vérité qu’est Jésus lui-même, qui se proclame d’ailleurs : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » Ainsi, les disciples de Jésus ont désormais revêtu la Vérité parce que portés par le Christ lui-même. « Revêtu l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité » (Éphésiens 4.24). Si la vérité reste le fondement du christianisme et si la sincérité est le moteur d’expression de la vérité, elle est alors pour le chrétien la valeur évangélique fondamentale. La Bible en donne une conception claire. Dans la Bible en effet, la sincérité est assimilée à la droiture, à la loyauté, à la pureté et à la vérité. Ce qui revient à dire que l’homme sincère bibliquement est un homme droit qui s’interdit toute duplicité. Il s’attache à la fidélité à la Parole donnée. Ce qui fait de lui un homme pur c’est-à-dire sans tâche, telle qu’une véritable Créature, fait à l’image de Dieu Pur. Et comme la pureté est le sans tâche, il ne saurait y avoir du mensonge mais la vérité. « Pas de faux bruits, ni de faux témoignages. » (Ex. 23, 1). Vu une telle identification de la sincérité, le chrétien est appelé à offrir des sacrifices sincères, c’est le prix d’être exaucé par Dieu « Offrez vos sacrifices avec sincérité et mettez votre espoir dans le Seigneur. » (Ps. 4,6) L’homme sincère est exaucé car « la prière jaillit de ses lèvres sans malices. » (Ps. 16, 1) Et saint Luc renchérit que l’homme sincère invoque le Seigneur avec sincérité. « Il n’y a pas de bon arbre qui porte de mauvais fruit, pas non plus de mauvais arbre qui porte de bon fruit. Chaque arbre se juge à son fruit. » (Lc. 6, 43-44) L’homme sincère se juge à partir de ses actes et paroles. Le chrétien n’a donc pas à « rougir de rendre témoignage au Seigneur » (2 Tm 1.8) en acte et en parole. En ce sens, la foi nécessite la sincérité. Saint Jacques le confirme par sa sentence d’identification du chrétien. « Montre-moi ta foi sans les oeuvres et moi, par mes oeuvres je te ferai voir ma foi…. De même que le corps sans âme est mort, ainsi la foi sans les oeuvres est morte. » (Jc. 2, 18.26) De fait, il y a une relation aller-retour entre la foi et la sincérité. L’atout premier pour un homme d’embrasser la foi chrétienne est la sincérité.

La sincérité est en ce moment une fissure dans un monde d’indifférents ou d’hostiles à la foi. Par cette fissure, Dieu peut pénétrer dans cet homme, dans sa vie et dans sa parole. Car Dieu est le Dieu de la sincérité. Par exemple, la rencontre de Jésus avec la Samaritaine illustre bien cette nécessité de la sincérité pour la foi. Cette femme en effet, n’avait aucun désir de religion, sa vie matrimoniale ne prédisposait à rien de religieux. Mais sa sincérité à répondre en toute vérité à la demande de Jésus à propos de son mari, a été pour elle la porte à sa foi. « En cela, tu as dit vrai » conclut Jésus. Ayant donc fait l’option de la vérité, elle ouvre sa porte de vie et de parole à Jésus qui est la Vérité. Sa sincérité lui a valu la foi. De même, la foi permet à la sincérité de trouver son fondement en Jésus. La foi nécessite la sincérité et cette dernière rend expressive la première.

Le chrétien qui a la foi doit être sincère. De même le citoyen qui veut le développement de sa cité, doit cultiver la sincérité. Faire cultiver la sincérité chez les jeunes et les enfants de la société, c’est prévoir garantir des hommes responsables et sincères pour une société plus viable et plus fiable.

Père Grégoire-Sylvestre Gainsi ■

Retrouvez cet article dans le N°685 d'Eglise en Martinique

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