Voici le texte de l'homélie prononcée par l'Archevêque :
« Deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu : la cité terrestre ; l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi : la cité céleste » (St Augustin).
St Augustin avait une vraie pensée politique, c’est-à-dire comment vit la cité des hommes.
Cela rejoint l’Évangile que nous venons d’entendre (Mc 9,30-37) : celui qui veut être le plus grand parmi vous, qu’il soit le serviteur, le plus petit, qu’il rende service aux autres.
Je vous envoie donc aujourd’hui votre nouveau curé, le père Benjamin François-Haugrin, comme votre serviteur. Ce n’est pas toujours simple, dans un pays qui a psychologiquement encore des traces de l’esclavage, c’est-à-dire d’un système [mais tous les pays ont ça, le cœur humain est capable de ça, c’est ce que dit St Augustin] dans lequel le chef est au-dessus et écrase les autres. Ou plutôt un système dans lequel ceux qui sont en-dessous se soumettent en tout, n’ont pas de responsabilités.
Et nous avons un défi, avec toute l’Église catholique, à la demande du pape François en particulier, mais d’abord à la demande du Christ, d’avancer en synode, d’avancer tous ensemble et qu’aucun d’entre nous ne soit à la traîne, ne soit déresponsabilisé par rapport à ses talents et ses charismes. Du plus petit jusqu’au plus grand, de l’enfant, du bébé même, jusqu’à la personne âgée, peut-être alitée : tout le monde avance vers la sainteté.
Si le Seigneur nous avait demandé d’être de bonnes personnes, nous pourrions être de bonnes personnes tout seuls. On vient à sa « petite messe », on fait sa « petite prière », on fait ses « petites œuvres », on donne un « petit peu » à la quête : on est une bonne personne. On ne ment pas, on ne vole pas, on ne tue pas, on ne trahit pas, on ne dit de mal de personne : on est une bonne personne. Le problème, c’est que l’Évangile ne nous demande pas d’être de bonnes personnes. N’éduquons pas nos jeunes pour qu’ils soient de bonnes personnes parce qu’ils vous diront, et ils auront raison, qu’ils n’ont pas besoin d’aller à la messe pour être de bonnes personnes.
Le Seigneur veut que nous soyons des saints ! Et la différence entre « saint » et « bonne personne », c’est qu’on ne devient pas saint tout seul. On devient saint avec ses frères et sœurs. On ne supporte pas, on a une sorte de charisme d’indignation, on s’offusque, on s’indigne devant la misère, devant la pauvreté, devant la maladie, devant la misère morale de celui qui prend un mauvais chemin. On se sent concerné. Une bonne personne ne se sent pas forcément concernée par le problème des autres. Et si elle se sent concernée, elle ne se sent pas impliquée. Savez-vous la différence entre « concerné » et « impliqué » ? Vous aimez les omelettes aux lardons ? Dans une omelette aux lardons, il faut des œufs et des lardons, c’est-à-dire qu’il faut une poule et un cochon. La poule est concernée par l’omelette : elle donne un œuf. Tandis que le cochon, lui, est impliqué, parce qu’il meurt pour qu’il y ait une omelette aux lardons, il donne sa chair.
Le Seigneur, lui, est impliqué. Un saint, ce n’est pas quelqu’un qui est parfait, mais quelqu’un qui s’implique dans la vie de son Église, non pas pour être le premier, le chef, pour dominer, mais pour servir, pour se mettre toujours au service des autres.
Les bons paroissiens ne se mettent pas au service de leur curé. C’est l’inverse : c’est le curé qui est au service. Les bons paroissiens se mettent au service les uns des autres et de la communauté par leurs dons : le don de leur temps, de leur vie, de leurs talents, de leur argent, de leurs biens pour faire avancer la communauté.
Les apôtres – ils savent que c’est mal – discutent pour savoir quel est le plus grand. Jésus leur annonce qu’il va mourir sur la croix, c’est-à-dire qu’il va tomber au plus bas pour pouvoir les relever.
Frères et sœurs, deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu a fait la cité des hommes. Vous avez entendu la 2ème lecture (Jc 3,16-4,3). Saint Jacques nous dit que s’il y a des violences dans un pays, dans une famille, dans un groupe, dans le voisinage, s’il y a des divisions... c’est que nous ne maîtrisons pas nos désirs, c’est que nous sommes au service de la chair, de l’égoïsme…[…]
[…] Il y a, à la base de la lecture que nous venons d’entendre (2ème lecture), un appel prophétique pour l’Église. Quelle société voulons-nous être ? Quelle paroisse voulons-nous être ?
Le père Benjamin est un homme très rigoureux, un vrai sage, qui sait mettre en état de service ses frères et sœurs. Il sait appeler des hommes et des femmes de Dieu, des jeunes, à se mettre au service. J’espère que vous serez prêts à répondre, à ne pas être dans la communauté-Église de simples spectateurs sur les bancs, mais à prendre part avec lui au service de la communauté. C’est son travail de présider à la charité, non pas de présider aux égoïsmes et aux désirs de chacun. Chacun sera appelé, pas un n’y échappera !
L’Église, plus que jamais, au sein de cette Martinique divisée, avec de la violence, a ce devoir – et c’est peut-être pour cela que nous sommes réduits en nombre – d’être une vraie communauté d’amour. Non pas de bonnes personnes, des personnes parfaites, ce n’est pas ce que Dieu attend de nous. Mais une communauté de frères et de sœurs qui se regardent avec admiration, qui regardent les défauts de l’autre, non pas pour le critiquer mais pour le relever. Le défaut de l’autre, c’est mon défaut, et moi aussi j’ai les miens. Alors on avance ensemble. Soit nous sommes des complices dans une mafia, qui s’aident dans leurs défections, soit nous choisissons la cité de Dieu en disant : « Je suis là au service de mon frère, sans le juger, mais en essayant tous ensemble d’aller vers une communauté de grâce ». Parce que non seulement nous en avons besoin, nos jeunes en ont besoin, nos jeunes familles en ont besoin. Mais la société martiniquaise a besoin, en son sein, d’une Église catholique qui sache vivre l’amour, qui sache se mettre au service. Et l’Église, ce n’est pas le prêtre. C’est vous !
Voilà ce que les lectures de ce jour m’inspirent pour votre communauté. Je voudrais vous féliciter pour ces bons temps de fraternité que vous avez eu le courage de prendre au cours de ce centenaire. Et j’ose espérer, cher père Benjamin, que, dans les années qui suivent où tu vas, si Dieu le permet, présider à la charité dans cette communauté, les graines qui ont été plantées au cours de ce centenaire, le rappel de tout ce que Dieu a fait pour vous, de ce que vous êtes aussi, tout cela va vous permettre de grandir dans la charité et vous donner une joie, une ferveur dont on parlera dans le monde entier !
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