Comme s'il était une option réservée à certains baptisés d’élite. Une Église « d’en haut »
y avait droit alors que l’Église « d’en bas » devait sagement en être spectatrice. Cela
nous a coûté cher.
La vie Chrétienne est une grâce qui s’incarne concrètement en s’appuyant sur quatre piliers existentiels : la foi, les moeurs, la mystique et la mission.
Sans ces quatre piliers, elle est instable, fragile, inachevée, et même en danger. L’Église en Martinique a connu l’introduction des différents piliers par des étapes successives de son histoire :
La première évangélisation des « Amériques » s’est attachée à transmettre la vraie foi. Le Peuple nouveau issu du melting-pot colonial, malgré les crimes, a massivement adhéré aux dogmes de la foi chrétienne. Le Dieu qui libère son peuple de l’esclavage et l’Évangile de Jésus-Christ, Libérateur des hommes par son sacrifice sur la croix et sa résurrection, a frappé à notre coeur. Ce fut une grande réussite. Jésus est connu et aimé chez nous.
Une seconde évangélisation a voulu introduire dans la culture antillaise les moeurs chrétiennes. Cet aspect n’était pas sans ambiguïté coloniale avec un certain mode de vie très européen. À défaut d’être profondément imprégné des préceptes de Jésus, nous avons souvent saupoudré de christianisme notre langage, nos coutumes, notre éducation, notre art, notre religiosité, et même nos superstitions ! Les dimensions économiques, matrimoniales et sexuelles de notre société sont restées quasi-étanches aux principes chrétiens. Cependant, les militants de l’Action Catholique et des confréries ont permis des réussites notables. Ponctuellement, certains milieux, quelques décisions politiques et rapports sociaux ont été inspirés de la lumière de l’Évangile. Mais, mal fixé par des leçons de morale, ce deuxième pilier est malingre. L’invasion de l’immoralité occidentale le fragilise davantage.
Plus récemment, on a vu s’installer un troisième pilier qui a considérablement consolidé la foi catholique. Alors que s’essoufflait le catholicisme social, dans les années 90, un grand nombre de fidèles ont fait, grâce au renouveau charismatique et aux mouvements de spiritualité, l’expérience de la vie mystique. L’éruption du surnaturel dans la vie des personnes et des communautés a renforcé le pilier de la foi et celui de la morale. Les choses reprenaient sens : croire, se laisser enseigner, pratiquer, renoncer au mal et aux compromis, louer, témoigner dans l'Église, donner sa vie au Christ, enfanter, pardonner, aimer… Nous avons vu Jésus élevé comme un étendard sur notre Église… Mais voilà, au bout de quelques décennies, on a l’impression d’avoir vieilli, de stagner spirituellement et de reculer moralement. Pourquoi avoir reçu tant d’enseignements, de grâces, de révélations, de guérisons, de signes ? Pourquoi avoir fait tant d’efforts de comportement ? Le feu, s’éteint-il ?
En fait, il manque un pilier essentiel à la préservation de l’héritage chrétien. Sans cet élément, tout le reste n’est que « poursuite de vent » (Qo 1,14) ! Ce pilier est inscrit noir sur blanc à la fin des quatre évangiles, de la bouche même de Jésus : « Allez, faites des disciples » (Mt 28, 19) ; ainsi qu’au tout début du Nouveau Testament : « Vous serez mes témoins » (Ac 1,8). Saint Paul nous a même prévenu : « Malheur à nous si nous n’annonçons pas l’Évangile » (1Co 9, 16). En fait, les autres (nos enfants, nos voisins, nos amis, nos parents, nos collègues…) nous ont rarement vu prendre des risques pour annoncer l’Évangile autour de nous. Comment voulez-vous qu’ils y croient !? Nous n’avons peut-être pas « donné gratuitement ce que nous avons reçu gratuitement » (Mt 10,8). Nous risquons donc de perdre l’héritage, car « Tout ce qui n’est pas donné est perdu » (Mère Térésa)… Vous avez compris le message, ou plutôt… "La mission” !
+ Fr David Macaire, Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France ■
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