Souvenez-vous ! Dédé Saint- Prix chantait : « De moyen kominikasion tétéfòn’ vini pou lesprésion. Sé konsa a la radio moun’ ka jouré an téléfon-lan, woy ! Mano voyé pié… pawòl la té bien di ! Mé si nou tépé wè moun tala, pèsònn pa té ké jouré ! » … Nous ne le savions pas, mais c’était la belle époque. Les gens se « contentaient » de déverser leur vulgarité « à la radio ». C’était une violence verbale mais générale et diffuse…
Aujourd’hui, dans les réseaux, l’anonymat protège encore les auteurs de brutalité mais la férocité a doublé et, surtout, elle est désormais personnelle et ciblée comme une arme de poing. Anonymat ou pas, les réseaux donnent comme une permission de se déchaîner et de revenir à l’état sauvage, sans retenue, n’écoutant rien d’autres que les pulsions les plus primaires : / ; j’aime/j’aime pas ; j’adore/je déteste et au final, je me livre/je tue !
Sur les réseaux, nouveaux médias « alpha », les désinformations, les calomnies, les dénonciations abusives, les fakes news, les injures, les insultes, les menaces, les vexations ont acquis un statut inégalé dans l’histoire. Ils permettent à la fois une large diffusion publique du harcèlement le plus bestial, des mensonges les plus éhontés et une impunité totale des auteurs. L’impact de ces manipulations est puissant : Des jeunes se suicident. Des autorités sont agressées. Des familles se déchirent. Des institutions sont décrédibilisées. On ne croit plus en personne. On ne sait plus qui croire. Nul n’est en sécurité : dans cette boue nauséabonde, une prime est donnée à la malpropreté de ceux qui n’ont plus rien à craindre pour leur réputation alors que l’honnêteté peut se voir salie en toute impunité en un clic par des meutes de « courageux » inconnus. Dans un égout, un rat sera toujours plus à l’aise qu’une colombe. La superficialité, l’immédiateté, et l’impudicité sont synonymes de succès, alors que la profondeur, la rigueur et la pudeur sont méprisées.
« Mé Zanmi », il y a plus grave : en eux-mêmes, les réseaux ne sont pas mauvais, mais l’usage que nous en faisons, surtout dans une petite île, peut devenir diabolique.
En plus de la vulgarité dans le monde virtuel, les réseaux engendrent dans le réel un effondrement du niveau scolaire, une atténuation du jugement moral, de grands risques de manipulations et une culture de la violence aux conséquences très concrètes. L’art du dialogue, du « parler ensemble », du « s’écouter l’un l’autre », du « chercher à comprendre » disparait dans la vraie vie, dans les milieux professionnels, scolaires, culturels, (géo)politiques, jusque dans les familles…
De même sur les réseaux, on ne fait plus l’effort de respecter les autres. On n’écoute que ses propres sentiments, on suit la masse. Même si une personne dit quelque chose de sensé, si elle dérange ou agace, si on n'a pas envie de l’aimer, alors on la tue, elle ou sa réputation… sans autre forme de procès.
Prenons garde que la raison, la Vérité, l’intelligence, l’autorité, la réflexion, l’écoute et le dialogue ne deviennent, après la moralité, les victimes des réseaux.
Il faut se souvenir que c’est en rejetant la raison et en choisissant la facilité des jugements arbitraires qu’adviennent les pires atrocités humaines. En faisant une référence à peine voilée à la montée du nazisme, le bon pape Benoît XVI ne cachait pas son inquiétude : « Depuis longtemps, l'Occident est menacé par cette aversion pour la raison et il ne pourrait qu'en subir un grand dommage ». (Foi et Raison 12 sept. 2006, Ratisbonne) …
Lorsque les fondements de la Paix et de la concorde sont détruits, toutes les haines sont possibles. Il y a déjà des morts.
Que le Prince de la Paix que nous célébrons à Noël, nous donne de scruter les temps avec discernement. « Amour et Vérité se rencontrent, Justice et paix s’embrassent » (Ps 84)
+ Fr David Macaire, Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France
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