Soyons attentifs les uns aux autres pour nous stimuler à vivre dans l’amour et à bien agir (Hébreux 10, 24).
L’explosion du coût de la vie, poussée par les prix de l’alimentation et des petits salaires, met en danger les classes sociales les plus pauvres. Des personnes déclarent subir des privations, qui les contraignent à renoncer à certaines dépenses de la vie courante. Parmi les plus fortes difficultés déclarées figurent notamment l’incapacité financière à satisfaire un besoin alimentaire, en lien avec l’envolée des prix de l’alimentation. Émeutes et pillages ont mis à mal ces dernières semaines la sécurité intérieure de la Martinique autant que sa cohésion sociale. Ils ont aussi montré la persistance de problématiques qui cherchent toujours leurs solutions.
Le constat est fait d’une incompréhension profonde entre des citoyens qui ne se connaissent pas. Plusieurs mondes cohabitent sans faire société, sans jamais rien échanger. Or quand on ne rencontre pas l’autre, il devient une menace. Tandis qu’à l’inverse, en appartenant à un corps social et en participant à un projet commun, il devient difficile de détruire les biens de tous.
Cette crise, c'est aussi une crise générationnelle. Par exemple, 60% des logements en HLM sont occupés par des mères célibataires, ce qui signifie une absence fréquente de figures paternelles, et qui conduit à une socialisation problématique. À cela s’ajoute l’exil de nos jeunes et, bien sûr, la pauvreté. Nos valeurs fondamentales ne sont plus respectées.
Il devient urgent de mettre en place des mesures concrètes pour traiter les inégalités et les injustices qui alimentent ces tensions. La stabilité et la prospérité de la Martinique dépendent de la capacité de tous les acteurs à trouver des solutions inclusives et durables pour répondre aux défis actuels et assurer un avenir meilleur pour tous. Pour les membres de l’Observatoire Socio-Politique de l’Eglise en Martinique (OSPEM), les conséquences de la crise sociétale et ses répercussions sociales se retrouvent dans toutes les dimensions de la vie.
Au niveau économique
Nous vivons dans un système économique mondialisé. Pour autant, il est de notre responsabilité personnelle et collective de développer notre résilience territoriale en développant des projets innovants notamment en matière d’économie circulaire. L’écart de prix des produits alimentaires en Martinique avec l’hexagone n’est pas la seule raison de la cherté de la vie. Il est aussi constaté dans d’autres secteurs : la voiture, la maison, la communication, le transport, les soins médicaux etc...
Plus de 80% des produits que nous consommons sont fabriqués à des milliers de kilomètres de la Martinique. Il est question de revitaliser nos marchés pour aider la production locale ou faire vivre le commerce de proximité si nécessaire. Mais la concurrence est rude avec les produits venant de pays où les normes sociales et environnementales sont moins contraignantes qu’en France et en Europe.
Pour obtenir une société plus égalitaire, nous devons réapprendre à être solidaires entre nous ; en optant aussi pour le circuit court de consommation permettant ainsi à nos petits producteurs de vivre, sans pour autant boycotter les grandes surfaces où bon nombre de nos compatriotes travaillent.
La croissance économique ne suffit pas pour résorber la pauvreté car même sans croissance, il y a des moyens d’agir notamment par le biais de mesures fiscales et sur l’emploi. En dehors de la croissance, il faudra aussi élaborer un nouveau critère de bien-être.
Au niveau sociopolitique :
Il faut :
- Amener la population martiniquaise à prendre conscience que ce n’est pas par la violence que les différends seront réglés mais par le dialogue.
- Rappeler que le vieillissement de notre population est favorisé par l’exode des jeunes, majoritairement en France hexagonale et par le nombre croissant d’avortements observé depuis plusieurs années.
- Rappeler que le citoyen martiniquais doit se sentir concerné par la crise écologique afin de devenir à son niveau acteur de la solution. En matière de pollution, trier ses ordures relève de la responsabilité et doit interpeller la conscience de chacun dans l’esprit de l’encyclique Laudato Si’ du Pape François.
- Préciser qu’il est possible financièrement de construire davantage de logements sociaux. Il est également possible de réhabiliter des logements inhabités pour le dédier à l’habitat. Il n’est pas viable, ni humainement, ni légalement, ni économiquement de continuer à laisser grandir le mallogement dans notre pays.
- Mettre en lumière le besoin de lien de la population avec les élus.
- Revenir à une plus grande proximité des élus avec la population. Sinon on laisse le champ libre aux créateurs de contenus sur les réseaux sociaux.
Au niveau educatif :
Pour répondre de manière durable à la problématique de la vie chère, l’école a un rôle important à jouer. Dans un monde de technique et de science qui évolue rapidement, une bonne formation scolaire est un atout pour les jeunes qui ont la chance de pouvoir en bénéficier.
Une bonne formation générale y compris culturelle ouverte sur le monde permet de s’adapter à la modernité et aux changements. Une formation qui permet d’avoir l’esprit critique et de prendre du recul par rapport au flot d’information que l’on reçoit. Sinon le sentiment d’être exclu des emplois les mieux rémunérés dans le pays, ne pas pouvoir prendre l’ascenseur social ou de subir le déclassement provoque chez les jeunes un sentiment de frustration et de colère.
Il est urgent de mieux faire connaitre l’histoire aux plus jeunes avec une pédagogie scientifique ou la connaissance de la vérité prendra le dessus sur les discours émotionnels et volontairement faussés. En effet, une bonne formation intellectuelle permet de discerner le vrai du faux, faire des choix éclairés et de ne pas marcher à la suite de personnes qui consciemment ou pas proposent de mauvaises solutions politiques à une réelle souffrance. Il nous revient à nous chrétiens à la lumière de l’évangile éclairé par l’Espritsaint de nous engager à participer avec les autres à la construction de société martiniquaise mais toujours sous la bannière du Christ.
En conclusion :
Construire un avenir durable exige d'intensifier nos efforts visant à éliminer l'extrême pauvreté et la discrimination sociale, pour s’assurer que chacun puisse exercer pleinement ses droits humains fondamentaux. La pleine participation des personnes vivant dans la pauvreté aux prises de décisions qui affectent leurs vies et leurs communautés, doit être au centre des politiques et des stratégies visant à bâtir avec elles un avenir durable. De cette façon, nous pourrons garantir que notre planète et nos sociétés humaines répondront aux besoins et aux aspirations de tous — et non pas seulement celles de quelques privilégiés — cela dans le souci des générations actuelles et futures.
Le nouveau projet de société pour résoudre cette crise en Martinique passe par une large concertation entre toutes les composantes de la population martiniquaise. Une grande conférence sociale permettrait d’une part de rassembler toutes les forces vives notamment les organisations syndicales et d’autre part d’avoir un projet commun qui pourrait être proposé par la suite à la population pour approbation.
En vérité rien de durable et d’efficace ne se fait, seul et sans un dialogue avec tous les concernés. Chacun peut apporter au débat, son expérience, son savoir-faire, tout simplement sa part de vérité à la solution. Alors pas de doute ! Dieu nous emploie comme ambassadeurs pour dispenser son amour et sa justice autour de nous.
Père Benjamin François-Haugrin, Représentant de l’Evêque
Yves-Marie Grivalliers, Coordinateur de l’OSPEM
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