les Martiniquais à faire la fête durant les trois jours qui précèdent l’entrée en carême. On le sait, une des spécificités du carnaval des Antilles-Guyane est qu’il se prolonge jusqu’au Mercredi des cendres, premier jour du Carême.
Aujourd’hui, pour lancer les festivités du carnaval le mot d’ordre de ralliement des carnavaliers se fait autrement. Le carnaval est un lieu de défoulement et de transgression où l’on s’amuse à l’inversion des valeurs morales qui régissent la société, la caricature et la dérision envers toute forme d’autorité dans la société et envers soi-même. C’est le temps où l’on s’accorde pour se cacher derrière son masque et son déguisement. De manière sarcastique, on y relate les faits marquants de l’année, les personnes influentes, les institutions, les hommes politiques, l’Eglise avec le mariage sont les cibles privilégiées des moqueries. Mais dans cette période de carnaval certains témoignages font aussi état de faits délictueux et de dérives graves.
Quel sera l’état de l’âme du chrétien qui participe au carnaval ? Peut-il en sortir propre ou sali ? L’âme est dans un corps et au carnaval l’image du corps est décomposée et recomposée, déconstruite et reconstruite et souvent les corps et les paroles ellesmêmes sont dans la transgression.
Pour beaucoup, le carnaval est un lieu d’expression de la culture martiniquaise où la créativité artistique s’exprime. Comment s’exprime cette créativité ? Pour d’autres, il est l’occasion d’une certaine vision de l’identité et de revendication politique. Le carnaval n’a-t-il pas de multiples versions ? N’est-il pas le résultat de ce que nous en faisons ? Le carnaval de Martinique a évolué. Comme ceux du Brésil, de Nice ou de Trinidad, il est devenu davantage un spectacle que l’on donne à voir. Une plus grande place est donnée à la parade. Tout de même sa spécificité fait que ceux qui le veulent peuvent y participer en se joignant à des groupes à pied, et cela de manière informelle avec la multiplication des groupes à pied et des orchestres de rue. Le carnaval est plus structuré et les adhérents des différentes associations qui y participent, le préparent bien à l’avance.
A vrai dire, il y a plusieurs manières d’aborder le carnaval, d’y participer et de le vivre. Premièrement, des témoignages qui montrent que le carnaval est un lieu de la culture où la créativité artistique s'exprime. On y trouve la mise en valeur du patrimoine vestimentaire traditionnel martiniquais avec les tenues créoles. Les différents concours de reine, mini reine et reine mère du carnaval en témoignent. Les costumes, les maquillages, les chorégraphies des groupes à pied et leurs musiciens, la recherche sur les masques, les transformations des vieilles voitures, les fameux « bradjacks ». Tout le monde peut y exprimer ses talents. Pour beaucoup d’associations, leur participation au carnaval prend forme autour d’un véritable projet pédagogique, qui peut être à la fois militant et politique mais aussi recherche et affirmation d’une identité collective.
Faut-il fuir le monde du carnaval ? Ou bien le purifier ? Il est vrai que tous les lieux de la culture doivent être évangélisés pour être à leur tour des lieux d’évangélisation. Deuxièmement on peut dire que le carnaval a évolué notamment au niveau des chansons. Aujourd’hui nous sommes bien loin des : « papiyon volé sé volé nous ka volé ! », le temps où le concours de la chanson créole proposait les chansons du carnaval est passé. Beaucoup se plaignent des grossièretés et des obscénités présentes dans un grand nombre de chansons, le second degré n’existe plus. Les choses sont dites crûment, il n’y plus ni nuance, ni second degré. Les mamans si vénérées et idolâtrées durant toute l’année dans nos sociétés Antilloguyanaises sont descendues de leur piédestal. Elles sont flagellées à tous les refrains par des hommes qui par ailleurs n’hésiteraient pas à donner un gros coup de tête au premier qui insulterait leur propre mère. Il y a aussi certaines tenues de plus en plus dénudées et indécentes qui choquent un grand nombre. On les dit nostalgiques des : « Marie-Anne Lapo Figue, mèdsen lopital », mais ils sont conscients que la transmission ne se fait pas toujours. Déçus de ne pas retrouver de la beauté et les personnages de la tradition dans une certaine forme de carnaval de rupture, beaucoup sont tentés de s’en détourner.
La culture est un domaine de l’activité de l’homme qui est utile à l’éducation et qui a son autonomie propre. Pour comprendre et connaître l’objet qu’est le carnaval, il faut l’étudier pour mieux l’appréhender. Sinon nous risquons de le regarder de loin avec des idées reçues sur les personnes qui y participent et passer à côté du sens que cet évènement représente pour elles.
En observant les carnavaliers, une chose nous saute aux yeux, c’est que beaucoup de participants et aussi de spectateurs de carnaval sont heureux de se retrouver ensemble à ce rendez-vous annuel durant les trois jours gras, lundi, mardi et mercredi des cendres. Ils sont tous baptisés. D’où leur vient cette joie dans le carnaval au milieu de cette liesse populaire ? La trouvent-ils ailleurs dans leur vie, dans la société, durant l’année ? N’y a-t-il pas dans le carnaval quelque chose de plus grand que le carnaval lui-même, n’est-ce pas ce que toutes ces personnes recherchent ?
Avec beaucoup d’ironie, dans les pleurs et les larmes, le mercredi des Cendres ils clôturent le carnaval avec cette chanson de Loulou Boislaville : « Malgré laviya bel vaval ka kité nou ! ». Mais à peine aurontils fini de brûler sa majesté Vaval et de le réduire en cendres qu’ils réfléchiront déjà aux thématiques et aux innovations pour la prochaine édition du carnaval.
Après cette parenthèse de trois jours de décompression où la soupape avait été enlevée, les carnavaliers feront un dur retour dans la vie quotidienne. Peut-être ont-ils trouvé ce qu'ils cherchaient. Tout de même c’est déjà le Carême que tous sont invités à vivre en Eglise, quarante jours à se préparer pour célébrer la Pâques de notre Seigneur Jésus-Christ mort sur la croix et ressuscité pour nous, sommet de notre foi chrétienne. Une fois n’est pas coutume, Vaval finit par être brûlé réduit en cendres. Il nous faudra aider les baptisés carnavaliers ou pas à faire le lien entre ce qu’ils ont vécu pendant les trois jours gras et la montée vers Pâques où Jésus ressuscité nous apporte la vraie joie. Il est vivant !
Abbé Benjamin François-Haugrin Curé de la communauté de paroisses de Bellevue et Schoelcher ■
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