Dernièrement, Pancho, le dessinateur d’actualité humoristique de France-Antilles résumait la situation en mettant en scène l’anxiété ambiante à travers un vieillard qui disait à sa petitefille : « le monde que nous les seniors, laissons à tes parents n’est pas très enviable, mais celui que tes parents te légueront sera encore bien pire, et si plus tard tu veux avoir des enfants, permets-moi d’ores et déjà de te dire que ta méchanceté dépasse tout ce que l’on peut imaginer »1. Dans la dernière image, la petite fille pleure.
On n’y peut rien. Ce qui paraissait immuable semble aujourd’hui chavirer, comme s’il n’y avait plus rien de stable. Rien ne serait solide tout s’avère liquide, fluctuant. Notre génération finit par douter de ce qu’elle laissera à la génération suivante. Dans les années 60-90, nous vivions sous la menace nucléaire, aujourd’hui la société est écrasée par l’angoisse d’une fin du monde à cause multiple dont chacun est tenu comme un petit peu responsable. La collapsologie n’est plus l’idéologie apocalyptique de quelques illuminés. Elle est devenue une conviction sourde et vague qui fonctionne à la fois comme le moteur secret de notre monde (travaillez-plus-pour consommer-plus. Consommez-pluspour-oublier-la-fin-qui-approche) et comme un édredon qui étouffe toutes les solidarités et tous les contacts. Le père Noël tente d’entretenir l’illusion en distribuant à grand prix des jouets par milliers, les guirlandes sont accrochées aux balcons, mais la supercherie ne dure qu’un temps. Le monde de toute façon n’y croit plus, il se sent maudit, et la petite fille pleure !
Quant à nous les croyants, afin de se montrer bons chrétiens, nous joignons assez facilement à l’auto-malédiction sociale notre petite musique de récrimination et de réprobation. Nous croyons tellement qu’en nous offusquant avec véhémence des déviances et des outrances de nos contemporains, nous nous montrerons d’autant plus fidèles à notre Dieu ! Au final, malgré notre bonne conscience, nous maudissons nous aussi ce monde qui certes nous attriste, nous effraie et parfois nous dégoûte, mais qui est aussi le lieu du rendez-vous avec notre Dieu. En tout cas, ce ne sont pas nos rouspétances convenues qui consoleront la petite fille qui pleure !
Mais il y a 2000 ans déjà, les petites filles pleuraient : le peuple marchait dans les ténèbres, les guerres, les terreurs, les pestes, les misères et les péchés. Il a vu alors se lever une grande lumière… « grande », mais discrète : un petit enfant dans une étable, une petite famille pauvre mais aimante au milieu du chaos… ni malédiction, ni condamnation, mais une convocation céleste et lumineuse pour quelques pauvres bergers, quelques humbles animaux, et des mages venus d’orient… humainement peu de chose. Mais cela a suffi pour stabiliser le monde et pour mettre fin à sa liquéfaction. Le temps lui-même s’est accompli lorsque l’éternité est venue habiter parmi nous, lorsque les cieux ont déversé la justice, et que la Paix s’est fixée dans le cœur des hommes de bonne volonté : Alors la jeune fille se réjouit, elle danse.
+ Fr David Macaire,
Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France ■
En savoir +
1 France-Antilles édition du week-end 11-12-13
Décembre 2020
Dernièrement, Pancho, le dessinateur d’actualité humoristique de France-Antilles résumait la situation en mettant en scène l’anxiété ambiante à travers un vieillard qui disait à sa petitefille : « le monde que nous les seniors, laissons à tes parents n’est pas très enviable, mais celui que tes parents te légueront sera encore bien pire, et si plus tard tu veux avoir des enfants, permets-moi d’ores et déjà de te dire que ta méchanceté dépasse tout ce que l’on peut imaginer »1. Dans la dernière image, la petite fille pleure.
On n’y peut rien. Ce qui paraissait immuable semble aujourd’hui chavirer, comme s’il n’y avait plus rien de stable. Rien ne serait solide tout s’avère liquide, fluctuant. Notre génération finit par douter de ce qu’elle laissera à la génération suivante. Dans les années 60-90, nous vivions sous la menace nucléaire, aujourd’hui la société est écrasée par l’angoisse d’une fin du monde à cause multiple dont chacun est tenu comme un petit peu responsable. La collapsologie n’est plus l’idéologie apocalyptique de quelques illuminés. Elle est devenue une conviction sourde et vague qui fonctionne à la fois comme le moteur secret de notre monde (travaillez-plus-pour consommer-plus. Consommez-pluspour-oublier-la-fin-qui-approche) et comme un édredon qui étouffe toutes les solidarités et tous les contacts. Le père Noël tente d’entretenir l’illusion en distribuant à grand prix des jouets par milliers, les guirlandes sont accrochées aux balcons, mais la supercherie ne dure qu’un temps. Le monde de toute façon n’y croit plus, il se sent maudit, et la petite fille pleure !
Quant à nous les croyants, afin de se montrer bons chrétiens, nous joignons assez facilement à l’auto-malédiction sociale notre petite musique de récrimination et de réprobation. Nous croyons tellement qu’en nous offusquant avec véhémence des déviances et des outrances de nos contemporains, nous nous montrerons d’autant plus fidèles à notre Dieu ! Au final, malgré notre bonne conscience, nous maudissons nous aussi ce monde qui certes nous attriste, nous effraie et parfois nous dégoûte, mais qui est aussi le lieu du rendez-vous avec notre Dieu. En tout cas, ce ne sont pas nos rouspétances convenues qui consoleront la petite fille qui pleure !
Mais il y a 2000 ans déjà, les petites filles pleuraient : le peuple marchait dans les ténèbres, les guerres, les terreurs, les pestes, les misères et les péchés. Il a vu alors se lever une grande lumière… « grande », mais discrète : un petit enfant dans une étable, une petite famille pauvre mais aimante au milieu du chaos… ni malédiction, ni condamnation, mais une convocation céleste et lumineuse pour quelques pauvres bergers, quelques humbles animaux, et des mages venus d’orient… humainement peu de chose. Mais cela a suffi pour stabiliser le monde et pour mettre fin à sa liquéfaction. Le temps lui-même s’est accompli lorsque l’éternité est venue habiter parmi nous, lorsque les cieux ont déversé la justice, et que la Paix s’est fixée dans le cœur des hommes de bonne volonté : Alors la jeune fille se réjouit, elle danse.
+ Fr David Macaire,
Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France ■
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