Sé ou man té ka atann ! (C’est toi que j’attendais)


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samedi 24 octobre 2020
Diocèse de Martinique

La scène est inoubliable. Historique. On est le 12 Avril 2015. Le nouvel archevêque de Martinique vient tout juste d’être ordonné. Selon le rituel, il doit saluer ses frères évêques venus lui imposer les mains et recevoir l’hommage des prêtres du diocèse. Le premier qui s’avance est en fauteuil roulant, il est poussé par le cérémoniaire. Il s’agit du doyen du presbyterium. Âgé alors de 103 ans, il est la mémoire vivante autant que le cœur de l’Eglise en Martinique. Tout le monde sait le lien personnel qui l’unit au nouveau pasteur. La foule frémit. Les caméras saisissent la scène en gros plan. Le vieux prophète pointe du doigt son nouvel évêque… c’est en père qu’il s’adresse à lui : « sé ou man té ka atann » ! L’assemblée n’a pas entendu, mais elle applaudit. Personne ne sait à ce moment-là que les deux hommes ne se reverront plus (en ce monde en tout cas). C’est la dernière apparition publique du père Gaston Jean-Michel. Il mourra 9 jours plus tard.

En discutant, il y a quelques temps, avec un ami de longue date qui, comme moi, travaillait jadis au côté du père Jean-Michel, j’ai saisi la portée de cette affirmation. En effet, nous partagions sur notre vision de la mission de l’Eglise. Nous envisagions le rêve de tant de prêtres d’avoir un ministère moins « technique » et plus « charismatique », axé sur la Rencontre, l’accueil des personnes et des pauvres à « l’entrée » de l’Eglise ; les paroisses seraient si bien organisées et vivraient si bien l’Evangile, que les pasteurs auraient du temps gratuit pour accompagner les situations particulières et confieraient chaque nouvel arrivant à des responsables aptes à mettre en œuvre la vision du pasteur et à intégrer chaque appelé dans la famille. Tel le Bon Berger, ils feraient confiance aux 99 brebis dans l’enclos et se dévoueraient surtout au soin de la brebis perdue. Chaque personne se sentirait accueillie de façon personnelle et unique : « sois le bienvenu, nous t’attendions, toi !

Personnellement ! » … Alors mon ami s’écria : « C’est comme ça que le père Jean-Michel faisait avec nous ! ».

En effet, spécialiste du « Sé ou man té ka atann » le père avait le don d’inviter ceux qu’il « harponnait » à prendre place dans ses équipes. Moi-même, débarqué par hasard dans les studios de Radio Saint-Louis à 19 ans, ne me suis-je pas retrouvé du jour au lendemain animateur et membre de la famille ? Combien de fois n’avons-nous pas été surpris parce que le père était « encore » allé trouver quelqu’un, qu’il fallait incorporer comme la 8ème merveille du monde alors que l’équipe tournait déjà très bien ! Mais l’Histoire nous a montré qu’il avait raison. Tant de ces personnes ont donné leur vie dans les différents groupes que le père a fondés. Ils y ont trouvé des frères et des sœurs, y ont servi le Seigneur, et s’y sont convertis et sanctifiés. Le père leur avait dit« sé ou man té ka atann ». Et nous devions nous convertir à chaque nouveau en lui disant nous aussi : « Sé ou NOU té ka atann ».

Pasteurs et paroissiens, est-ce le cas de tous ceux qui nous fréquentent : la ‘tite dame qui vient dans le fond de l’Eglise, la maman qui amène son enfant au catéchisme, le « ti-garçon sireur"* qui fréquente le groupe des scouts, l’adolescente rebelle qui finit son cheminement et chante parfois à la chorale, le parrain discret qui vient par obligation à la réunion de préparation au sacrement, le couple qui franchit les portes du secrétariat 5 minutes avant la fermeture, le monsieur qui rouspète parce qu’on lui demande de l’argent pour une inscription, la femme en pleurs qui appelle pour préparer les obsèques de sa mère, ou son frère qui viendra à la messe de sortie… savons-nous leur dire « Sé ou man té ka attan » ?_

Et toi-même, lecteur, sais-tu que « Sé ou man té ka atann » ?

J’ai bien envie d’en faire le slogan de « CAP 2025 ! »…

+ Fr David Macaire, Archevêque

de Saint-Pierre et Fort-de-France ■

*garçonnet turbulent

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