L’ existence de cette jeune fille née en Bourgogne, au centre de la France, sort de l’ordinaire. Parcourir 45 000 km, par mer, en voilier, pour mettre les dons de son intelligence et de son cœur à la réalisation d’une vocation missionnaire, n’est en effet pas chose commune pour une femme du début du XIXème siècle. Car "appelée par Dieu à être utile à un grand nombre de malheureux" (Lettre 81), elle s’efforce de répondre aux besoins de son époque. Trois révolutions (1789, 1830, 1848) jalonnent sa route. Chacune crée des situations nouvelles, chacune demande aussi des nouvelles formes de service. Mère Javouhey entend tous les appels, en France d’abord, dans les autres continents ensuite. Ce sont des tâches multiples à assumer.
Des traits de lumière successifs lui fixent les objectifs à atteindre et les formes de service adaptées aux situations. L’ampleur de son action apostolique, qui tient "de l’audace et du génie", trouve son explication dans le leitmotiv qui figure en tête de sa correspondance : "La sainte volonté de Dieu". Elle n’a pas voulu autre chose dans sa vie.
En avance sur son temps, Mère Javouhey a travaillé de toutes ses forces à la promotion humaine et chrétienne des personnes noires. D’emblée elle croit à la possibilité d’un clergé local. Aussi fait-elle préparer au sacerdoce les trois premiers prêtres sénégalais ordonnés en 1840, à Paris. En 1846, elle donne l’habit religieux à une jeune Antillaise, ancienne esclave, qui vécut et mourut religieuse à Castries (Ile de Sainte-Lucie, mer des Caraïbes). Qui, alors, aurait pensé construire des communautés internationales de religieuses si différentes par l’origine et la culture ? C’est là une intuition prophétique des Églises locales, signes visibles de l’universalité de l’Église.
A partir de 1817, Mère Javouhey envoie "ses Filles" aux quatre coins du monde, malgré les vicissitudes de l’ Histoire. A cause de la primauté donnée dans son action à l’évangélisation des terres lointaines, Le pape Pie XI lui a décerné le titre de "première femme missionnaire". Mais sous cette appellation se cache une réalité plus profonde : à la lumière de l’Évangile et sous l’emprise de l’Esprit, Mère Javouhey a compris que Dieu aime tous les hommes, sans distinction de race, de culture, de religion et de condition sociale ; que leur dignité doit être reconnue, leurs droits défendus partout. D’instinct, elle allait vers les plus démunis, sans pour autant délaisser les autres : c’était sa conviction profonde. ce fut sa règle de conduite à l’égard de tous ceux que les événements ont placé sur sa route.
Comme tout fondateur, Mère Javouhey a légué aux Sœurs de Saint-Joseph de Cluny un esprit, ou une façon d’aimer Dieu, et un dessein particulier, ou une manière de servir l’Église et le monde. Ces deux éléments constituent le patrimoine de famille de la Congrégation qu’elle a fondée.
"Je suis dans la main de Dieu, je ne veux que ce qu’il voudra : ma vie et ma mort sont à sa disposition" ’Lettre 221)
"Faites-vous toute à tous pour les gagner tous à Jésus-Christ" (lettre 132)
Pour être fidèle à l’impulsion missionnaire de la Fondatrice, la Congrégation est aujourd’hui encore appelée à répondre aux besoins spécifiques des personnes et des groupes au milieu desquels vivent les Sœurs, aussi bien dans les pays de vieille chrétienté que dans les jeunes Églises.