Le Bon Carême


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samedi 13 février 2016
Diocèse de Martinique

Voici le temps favorable, voici le temps du salut ! Merci, Seigneur, c’est enfin le carême ! C’est le temps où nous allons faire pénitence et ceux qui ne le peuvent pas, en raison de leur faiblesse (âge, santé, paresse…), vont au moins s’associer à l’effort de ceux qui auront la grâce de faire un « bon » carême.

Mais attention ! A la nuit de Pâques, pendant que, en dehors de l’église, vont s’élever les flammes du feu pascal, tous seront invités au banquet des noces de l’Agneau : les ouvriers de la première heure comme ceux de la onzième heure, les abstinents comme les paresseux, les vertueux comme les débauchés, ceux qui ont tenu comme ceux qui ont chuté. Seuls les orgueilleux se tiendront à l’écart du Cénacle où apparaîtra le Ressuscité !

En effet, à l’entrée du Royaume de Dieu, il ne sera demandé à personne un certificat de bonne conduite (sinon, la Vierge Marie y serait toute seule avec Jésus et quelques anges ! Tous seraient bien tristes : quel gâchis ! Toute l’œuvre de la Rédemption : l’Incarnation, la Passion, la Croix et la Résurrection pour qu’un bureau de douane empêche finalement les gens d’entrer dans le Royaume !)… Bref, ce n’est pas un certificat de bonne conduite qu’il est demandé pour entrer dans le Royaume, mais un certificat d’humilité ! Il en est de même pour toutes les Pâques que constituent les sacrements. Les sacrements nous donnent la grâce, ils nous donnent l’Esprit-Saint, ils nous donnent la force : ils ne sont pas la récompense de ceux qui se sont montré forts, fidèles et chastes !

Frères et sœurs, Jésus nous demande un minimum pour conférer les sacrements : mais ce minimum, c’est l’humilité, c’est la contrition et le sentiment d’être pécheur ; c’est la double conviction de ne pas mériter sa grâce et d’être aimé par Lui. Bien sûr, pour conférer les sacrements de la Pâques, on peut reprendre le slogan des petites annonces : « pas sérieux s’abstenir ». On ne donne pas un sacrement à quelqu’un qui ne le veut pas et le manifeste par son attitude. Mais notre rôle est de montrer Jésus, non de le retirer aux yeux de ceux qui ne le mériteraient pas selon nous. Notre rôle est de bénir, certainement pas de juger et de condamner.

S’il nous arrive de révéler à un frère ou une sœur son péché (c’est aussi notre devoir de dire clairement ce qui n’est pas bien), c’est pour immédiatement lui faire sentir l’Amour du Seigneur et l’Amour de l’Eglise. Quand quelqu’un est dans une situation incompatible avec la vérité de l’Evangile, la première chose que Dieu (et l’Eglise) lui demandent, ce n’est pas de s’exclure des sacrements, mais d’avoir le désir humble de changer de vie et de suivre le Christ ! A nous de lui faire désirer changer de vie et non d’exiger le changement de vie pour recevoir la grâce… Là, on marche sur la tête et on désobéit gravement à Dieu, car on prend sa place !

Nos papes nous ont demandé d’ouvrir grand les portes de l’Eglise. Nous devons aujourd’hui prendre le risque (totalement assumé par le pape François dans son dernier livre Le Nom de Dieu est Miséricorde) de voir accéder aux sacrements des gens qui ne semblent pas en être dignes. Mais le Seigneur n’a-t-il pas invité à son banquet les estropiés et les clochards ? Faisons de même en ce Jubilé de la Miséricorde ! La robe de fête qui fait demeurer dans le Royaume, ce n’est pas celle de la perfection, mais celle, beaucoup plus belle, de l’humilité ! Souvenons-nous, pour nous-mêmes, que même ceux qui sont déjà entrés peuvent être mis à la porte du banquet s’ils n’ont pas cette robe.

En ce Jubilé de la Miséricorde, j’ordonne à tous les pasteurs, sauf empêchements canoniques, d’ouvrir le plus largement possible les portes des sacrements du Salut et de la Miséricorde, notamment aux catéchumènes. Une juste catéchèse doit conduire tous les fidèles, surtout ceux qui sont dans des situations morales délicates, à cet humble désir de changer de vie qui suffit pour donner accès au Christ. Je vous demande de ne pas refuser les sacrements de la Pâques à ceux qui le demandent d’un cœur sincère et humble, animés d’une vraie contrition.

Je rappelle que seuls les prêtres, dans des entretiens personnels et individuels, peuvent évaluer la pureté de ce désir. Je demande donc aux autres fidèles de ne porter aucun jugement sur la vie des gens, sous peine de pécher eux-mêmes gravement. Je les invite à offrir des sacrifices spirituels pour leurs frères, et à ne pas se scandaliser mais à se réjouir s’ils voient des gens s’approcher du Saint Baptême ou de la Sainte Table… Cela signifiera qu’une vraie conversion est en route et Dieu en sera glorifié.

Il faut, cette année, qu’un maximum de fidèles puisse communier à Pâques, en ayant reçu l’absolution de leurs péchés. Car seule la grâce peut faire germer en eux la force de l’Esprit-Saint, vainqueur de toutes ténèbres et de tous liens. Je vous supplie d’aller chercher partout dans votre entourage ces milliers de frères et sœurs qui se sont éloignés de l’Eglise parce qu’ils se jugent eux-mêmes indignes, ou parce que nous leur avons fait sentir qu’ils ne pouvaient pas s’approcher du Seigneur. Qu’ils aillent voir les prêtres, reçoivent la bénédiction, si possible l’absolution, et, ainsi purifiés, qu’ils le restent pour communier sans crainte lors de cette Pâques qui s’annonce !

Soyez en paix ! Et joyeux Carême !

+ David Macaire

Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France

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