Enfin Libres !


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dimanche 19 janvier 2025
Diocèse de Martinique

(Extrait de l’homélie de Mgr Macaire pour la messe d’ouverture du Jubilé ordinaire de 2025, Cathédrale Saint-Louis de Fort-de-France le 29 déc. 2024)

En relisant la lettre pastorale du Jubilé de la Miséricorde en 2016, j’ai versé une larme. À l’époque, je pensais que tout allait se régler ! Cette année, le pape François, à l’ouverture de ce jubilé ordinaire, m'a recadré dans l’Espérance.

Voilà ce que j'écrivais il y a presque 10 ans. « Le Peuple de Martinique de plus en plus ravagé par des blessures et des divisions qui ne cicatrisent pas attend avec impatience sa guérison. La violence et la peur se répandent. L’Église souhaite présenter le doux visage de Jésus.

De GRANDES RÉCONCILIATIONS doivent briser les cercles vicieux et infernaux qui nous détruisent : »

« (1) Entre nous et nos ancêtres. 

Prions, faisons célébrer des messes pour rompre tous les liens négatifs avec les défunts de nos familles. Qu’une pluie de bénédictions nous délivre définitivement des conditionnements ancestraux et des pardons non donnés ! »

« (2) Entre les composantes de notre peuple »,

entre « nèg », « bétjé », « kouli », « siriyen », « chinwa », « zorèy » (selon nos termes populaires pas toujours « politiquement corrects ») … Tant de mépris, de médisance, de méfiance, de violence ! Seuls des gestes et des signes de réconciliation envers ceux qui sont d’un autre « monde » pourront nous libérer de cet héritage et des complexes sans nombre qu’il génère en chacun de nous ! » Cette division-là est hypersensible. Elle rejaillit à chaque crise sociale, à chaque tournant de notre histoire commune, comme un nerf à vif réagit lorsque la « fraise » s’approche d’une dent gâtée… À nous d’inventer des comportements personnels et collectifs non-violents. Le Pape François nous l’a dit en 2019 : avoir le courage de l’hospitalité, inviter chez soi, les autres, la cousine qui nous attaque, l’oncle qui fait du mal à la famille, le voisin à qui on ne parle plus… etc.

« (3) Dans le monde du travail !

Les traces de l’esclavage, les idéologies de classes, les abus de la loi du profit ont déchiré le tissu et le dialogue social dominés désormais par une méfiance systématique. Ceux qui progressent dans la société, la politique, l’entreprise, et même dans l'Église, s’attendent à subir des méchancetés et des calomnies. Comme s’ils représentaient une menace. Que de souffrances psychologiques et économiques ! « Renouvelons les relations professionnelles dans la Justice et la Vérité. »

« (4) Dans le tissu humain de nos familles :

domination homme-femme, lâchetés masculines, conflits féminins, l’amertume d’enfants envers leurs pères absents, violents, adultères… abus sexuels et pratiques occultes », trafics, addictions, procès, mensonges, trahisons… « Qui brisera les portes de ces prisons ? Qui pardonnera à ceux qui nous ont offensés ! ».

 (5) Et dans l’Église…

Jugements, jalousies, malveillances… La nou ka alé épi sa !?? En retrouvant Jésus au temple, Marie, blessée par la disparition volontaire de son fils, lui dit : « Que nous as-tu fait là ? ». Elle ne l’accuse pas : « Tu n'as pas pensé à nous ! À notre angoisse ! » « Tu nous méprises, tu te moques de nous, tu désobéis ». Elle veut d’abord comprendre Jésus. Voilà le chemin du Jubilé. Stopper les jugements et se laisser guider par l’Esprit pour comprendre, se réconcilier, s’apaiser les uns les autres ! L’Espérance est une folie qui ne relève pas de nos propres forces. Elle est un don de Dieu !

 Pour réussir à ouvrir les portes de nos prisons, il n’y a pas d’autre chemin que celui-ci : « Détacher les yeux de son coeur de sa propre blessure pour considérer la fracture de l’autre. Consentir à ne pas recuire indéfiniment sa propre souffrance, mais à habiter celle de celui-là même qui l’a provoquée » « Comme le père du fils prodigue, au lieu de se fixer sur l’offense, penser à soigner son pauvre fiston cupide et débauché. ». Un cri de souffrance sans fin ne guérit personne ! Ça fait des siècles qu'on essaie !

Dieu seul nous libérera.Il est le carburant et le moteur, le guide et le chemin. À nous de « desserrer le frein à main » des rancunes. Que la grâce de Jésus, l'amour du Père et la communion de l'Esprit-Saint nous fassent vivre libres, enfin.

+ Fr David Macaire,

Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France

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